Le Québec vivra une «période difficile» au cours des prochains mois, a reconnu Jean Charest à l'Assemblée nationale, hier. Dans un discours inaugural sans surprise, le premier ministre s'est employé à préparer les Québécois au dépôt d'un budget déficitaire la semaine prochaine, le premier depuis une décennie.

Les services aux citoyens, «au premier chef en santé et en éducation», seront «protégés». Pour le reste, «nous devons prendre des décisions qui seront difficiles» en prévision du prochain budget, a indiqué M. Charest sans apporter de précision. Il a souligné que les revenus de l'État fondent en raison de cette crise économique «sans précédent».

 

La «première priorité» du gouvernement sera l'emploi, a affirmé Jean Charest dans son allocution marquant l'ouverture de la nouvelle session parlementaire. Il aidera «financièrement» les travailleurs licenciés qui souhaitent suivre une formation. M. Charest entend également «soutenir l'effort des entreprises qui mettront en oeuvre des programmes de formation plutôt que de licencier des employés».

«Dans le budget, nous allons aussi soutenir nos entreprises, soutenir l'investissement, stimuler l'innovation, particulièrement le développement des nouvelles technologies vertes, et maintenir une fiscalité concurrentielle.»

La santé, qui était jusqu'à hier en tête de liste des priorités du gouvernement, ne sera pas négligée, a promis M. Charest. Il a réitéré des engagements électoraux sans donner de détails. Le gouvernement investira dans la création de groupes de médecine familiale et dans la valorisation du travail des infirmières. En éducation, il luttera contre le décrochage scolaire, qui s'est accru sous les libéraux, avec une «baisse progressive» du nombre d'élèves par classe.

Un étudiant étranger, une fois diplômé, se verra offrir un certificat de sélection qui lui ouvrira les portes de la résidence permanente. Le Québec accueille chaque année 22 000 étudiants étrangers. Un sur 10 demeure ici une fois les études complétées. Jean Charest veut tripler ce nombre.

Dans son discours d'un peu plus de 50 minutes, le premier ministre a insisté sur l'ampleur de la crise économique. Depuis l'automne, et donc depuis les élections du 8 décembre, «la tempête s'est aggravée», a indiqué M. Charest, lui qui avait promis de ne faire aucun déficit au cours de son mandat.

«Presque tous les pays développés auront des budgets déficitaires», a-t-il ajouté. Celui des États-Unis correspond à 12,3% de leur PIB. «Jamais de mon vivant je n'aurais cru cela possible», a-t-il dit. Au Royaume-Uni, c'est 8,8%; en France, 5,6%; et au Canada, 2,2%.

«Ce que nous vivons n'a pas de comparable. Cette crise, pour les raisons qui l'ont déclenchée et par la manière dont elle s'est propagée, elle est inédite. Personne dans cette assemblée ne peut prétendre avoir vécu une situation qui est similaire à ce que nous vivons aujourd'hui», a-t-il affirmé.

Le Québec est «directement affecté», puisque son économie est «branchée» sur celle des États-Unis. Certes, le Québec «s'en tire mieux» qu'ailleurs jusqu'à maintenant et»est en bonne posture». Mais «notre économie vivra une période difficile avant que ça aille mieux. Il faut le dire franchement. Il faut le dire ouvertement pour que nous puissions ensemble travailler à contrer les effets de cette crise économique», a souligné Jean Charest. Comme les exportations sont en baisse, les entreprises font moins de profits et paient moins d'impôt, ce qui «se répercute jusque dans les revenus de l'État».

Mais le premier ministre souhaite que les Québécois soient «les premiers à sortir» de la crise économique. Il a vanté les actions passées de son gouvernement, comme les investissements dans les infrastructures et le développement énergétique, qui permettent aujourd'hui au Québec d'avoir une «longueur d'avance», selon lui. La crise est à ses yeux une «occasion de se démarquer». Il a fait la promotion de son plan pour le développement du Nord, qui sera «le plus grand projet de développement durable jamais entrepris au Québec».

L'opposition déçue

Les partis de l'opposition ont été déçus par le discours inaugural de Jean Charest. «C'est littéralement du réchauffé», «du vide», a lancé la chef péquiste Pauline Marois. M. Charest a rappelé des annonces de son gouvernement sans parler du nouveau CHUM, a évité de se fixer des objectifs en matière de décrochage scolaire, n'a pas précisé le nombre de places en garderie qui seront créées. «La seule chose dont on est absolument certains, c'est qu'il va y avoir un déficit», a affirmé Mme Marois, qui accuse Jean Charest d'avoir «dupé» et «trompé» les Québécois en campagne électorale.

La chef intérimaire de l'ADQ, Sylvie Roy, juge que le discours inaugural ne contient «aucune innovation, aucune idée nouvelle, rien pour stimuler l'espoir». «J'ai une inquiétude. En 2003, Jean Charest avait dit que la priorité, c'était la santé. Voyez-vous dans quel état notre système de santé est actuellement? Maintenant, il a dit que sa priorité était l'emploi. Des nuages gris se profilent peut-être à l'horizon», a-t-elle dit.

Pour le député de Québec solidaire, Amir Khadir, le Plan Nord de Jean Charest, axé sur «l'exploitation effrénée des ressources», condamne les Québécois à être des «porteurs d'eau».