Le gouvernement Charest a «menti» aux Québécois et «floué» les travailleurs de Rio Tinto Alcan, accuse le Parti québécois. Une «clause secrète», inscrite dans une entente conclue en 2006, permet au géant minier britannique de fermer des usines tout en continuant de bénéficier des avantages consentis par l'État.

Mardi, Rio Tinto Alcan a annoncé la fermeture de l'aluminerie de Beauharnois et une baisse de la production dans une usine du Saguenay-Lac-Saint-Jean. Quelque 300 personnes perdront leur emploi.

Cette annonce a fait bondir l'opposition officielle. Car, souligne-t-elle, le ministre du Développement économique, Raymond Bachand, a toujours assuré que l'entente de continuité signée en décembre 2006 avec Alcan «protège les emplois». C'est une «entente béton», disait-il à l'époque. Alcan «s'engage à garder au Québec ses activités actuelles, mais aussi ses projets d'investissement», disait-il le 15 mai 2007.

En vertu de l'entente de 2006, Alcan, acquis plus tard par Rio Tinto, s'engageait à investir deux milliards de dollars en 10 ans au Saguenay-Lac-Saint-Jean, à maintenir son siège social et ses niveaux d'emploi. En contrepartie, le gouvernement lui accordait un prêt sans intérêts de 400 millions de dollars remboursable dans 30 ans et un nouveau bloc d'énergie hydroélectrique au tarif préférentiel. Selon l'entente, Rio Tinto doit maintenir les activités des usines de Beauharnois, Shawinigan et Arvida jusqu'en décembre 2010, 2012 et 2014 respectivement, souligne le PQ.

»Clause catastrophe»

Or, une «clause catastrophe», dont le gouvernement n'avait jamais révélé l'existence jusqu'à maintenant, permet à Rio Tinto Alcan de se libérer de ses engagements lorsque la conjoncture économique se détériore.

Selon les informations obtenues par le PQ, mais que Québec a refusé de confirmer, la compagnie peut faire des mises à pied si le prix de l'aluminium est en deçà de 1800$US pendant au moins 30 jours et que le dollar est sous la barre des 88 cents US, comme c'est le cas depuis le début de l'année. Elle peut recourir à cette clause sans pénalité, c'est-à-dire en conservant les avantages consentis par le gouvernement.

«Les travailleurs ont été floués», a lancé le député péquiste Stéphane Bédard, hier. Le gouvernement «a menti carrément en disant que l'entente était béton, alors que ce n'était pas béton. Il y avait une clause secrète. Encore une fois, le gouvernement libéral n'avait pas tout dit».

«J'ai rarement vu un gouvernement agir avec tant d'incompétence et en pensant que le fait de cacher cette information va les protéger face à leur incompétence», a-t-il ajouté.

Le PQ craint d'autres fermetures d'usines, puisque la nouvelle présidente et chef de la direction de Rio Tinto Alcan, Jacynthe Côté, a affirmé qu'«il faudra probablement d'autres réductions de production». Il reproche au gouvernement d'avoir perdu son rapport de force devant la compagnie en acceptant une clause catastrophe.

Stéphane Bédard demande à Québec de «hausser le ton» et d'exiger la fin des mises à pied. Les usines québécoises sont rentables, a-t-il souligné. Rio Tinto Alcan «pompe vers le haut» de l'argent car elle manque de liquidités en raison de l'acquisition d'Alcan.

Désinformation

Raymond Bachand accuse le PQ de «désinformation». «Il essaie de mettre en doute l'ensemble des engagements pris par Rio Tinto Alcan», a-t-il déploré. Les investissements de deux milliards de dollars - comme le développement de la technologie d'électrolyse AP50 au Saguenay-Lac-Saint-Jean - sont garantis. Ils ne sont pas touchés par la clause catastrophe, a-t-il assuré. Le ministre a refusé de préciser le contenu exact de cette clause pour des raisons de confidentialité. Selon lui, la compagnie «respecte les termes de l'entente».

Le ministre se défend d'avoir garanti que l'ensemble des emplois serait maintenu. Il parlait plutôt du maintien des emplois «au niveau des plans prévus» par la compagnie. «L'usine de Beauharnois était condamnée à fermer d'ici 2015, c'était connu», parce qu'elle utilise un ancien procédé qui ne sera plus conforme aux normes environnementales, a-t-il souligné. Selon lui, le gouvernement était tout de même parvenu à convaincre Rio Tinto Alcan de maintenir les activités de l'usine au moins jusqu'en 2010 à moins d'une chute de prix.