L'arrêt de la production d'isotopes médicaux au réacteur nucléaire de Chalk River, en Ontario, est «inquiétant», a admis mardi le ministre fédéral de l'Industrie, Tony Clement, en s'engageant à adopter un plan pour éviter que de tels problèmes ne surviennent à répétition.

Pour faire face à la situation actuelle, Ottawa a déjà mis en oeuvre un plan d'urgence qui prévoit des contacts étroits avec les autres producteurs d'isotopes dans le monde, a indiqué M. Clement à Atlanta, où il participait au congrès Bio 2009.

Le ministre a toutefois reconnu que le Canada allait devoir se doter d'un «plan à long terme» pour se prémunir devant la vétusté des installations de Chalk River.

«Il faut aussi avoir, à l'avenir, une autre solution et le gouvernement du Canada va travailler avec les producteurs d'isotopes pour en trouver une», a-t-il déclaré.

Energie atomique du Canada (EACL) a récemment annoncé que le réacteur de Chalk River avait été mis hors service jeudi dernier, à la suite d'une panne d'électricité survenue à la frontière de l'Ontario et du Québec.

De plus, on a découvert, le lendemain, une légère fuite d'eau lourde à l'intérieur de la centrale. EACL prévoit que les travaux nécessaires pour colmater la fuite prendront environ un mois.

La fuite a été contenue et il n'y a pas de danger pour les travailleurs de la centrale, les résidants de la région ou l'environnement, a assuré la société d'Etat fédérale. Une enquête sur la source de la fuite est en cours.

EACL a précisé qu'elle disposait de suffisamment d'isotopes pour la semaine en cours, mais qu'elle serait incapable de répondre à la demande à partir de samedi.

Une pénurie prolongée forcera les hôpitaux à reporter les tests non urgents, a souligné la docteure Karen Gulenchyn, une experte en médecine nucléaire qui a conseillé M. Clement, alors ministre de la Santé, pendant la crise de l'automne 2007.

«Je suis raisonnablement confiante que pour la plupart des patients, s'ils souffrent d'un problème aigu, on s'en occupera, a-t-elle dit. Et plus le problème sera grave, plus grande sera la possibilité qu'on s'en occupe rapidement.»

Charest presse Ottawa

Le premier ministre Jean Charest, aussi présent à Atlanta pour Bio 2009, a promis que Québec se montrerait vigilant dans le dossier.

«On ne m'a pas signalé qu'il y avait un problème d'isotopes actuellement au Québec», a-t-il d'abord affirmé, avant de presser Ottawa de faire le nécessaire afin d'éviter des conséquences néfastes pour les patients.

«Le gouvernement fédéral a quand même la responsabilité d'alimenter le réseau de la santé dans ce domaine-là et s'il n'obtient pas des isotopes du réacteur de Chalk River, il faut qu'il les obtienne ailleurs, a ajouté M. Charest. On ne peut pas juste improviser avec ça. (...) On va interroger (Ottawa) là-dessus.»

Le président de l'Association ontarienne de médecine nucléaire, le docteur Chris O'Brien, a mentionné qu'à partir de la semaine prochaine, les hôpitaux pourraient commencer à utiliser un type différent d'isotopes, couramment employé il y a plusieurs années. Moins efficace que les isotopes actuels, il fonctionne quand même.

Par courriel, Santé Canada a demandé lundi à la communauté médicale de se préparer à une pénurie prolongée d'isotopes.

Le ministre Clement a soutenu mardi qu'il était impossible d'échapper complètement à des fermetures sporadiques de la centrale de Chalk River. «Cela fait partie de la réalité», a-t-il estimé.

Le réacteur vieillissant avait été fermé pendant quelques jours en novembre 2007 pour de l'entretien de routine. Au même moment, la Commission canadienne de sûreté nucléaire avait découvert un problème au niveau du système d'alimentation d'urgence.

La Commission, chien de garde de l'énergie nucléaire au pays, s'était opposée au redémarrage rapide du réacteur pour des raisons de sécurité, ce qui avait entraîné une pénurie d'isotopes médicaux, utilisés dans le diagnostic et le traitement de maladies comme le cancer.

La production d'isotopes avait repris le 19 décembre à la suite de l'adoption par le Parlement d'un projet de loi spécial.

Le réacteur de Chalk River produit environ la moitié des isotopes médicaux du monde.