Le ministre Laurent Lessard veut bien retirer des tablettes québécoises les fromages importés qui ne respectent pas les normes d'ici, mais pas question d'offrir une compensation directe aux petits fromagers artisans qui vivent encore avec la queue de la tempête listériose qui les a frappés l'automne dernier.

Il n'y aura pas de compensation directe, a tranché le ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation du Québec, Laurent Lessard. «Sinon, il n'y aura plus de responsabilité dans l'industrie, a-t-il expliqué. On peut faire n'importe quoi et s'il y a un problème, on se retourne vers le gouvernement. Même si le produit est défectueux, il va nous compenser.» Avec une telle philosophie, les producteurs de tomates et d'épinards, auraient aussi eu droit à des compensations parce qu'ils ont également été touchés par des épisodes de contamination, a comparé le ministre.

 

Laurent Lessard voulait hier faire un retour sur la crise de la listériose puisque les actions de son ministère, le MAPAQ, ont été critiquées maintes fois sur la place publique depuis six mois.

Les petits fromagers en ont notamment contre les nombreuses inspections du MAPAQ qui leur compliquent la vie.

Le ministre de l'Agriculture ne voit pas les choses de cette façon. Ces «accompagnements» offerts aux producteurs devraient plutôt leur faciliter la vie.

«Au Québec, on fait de la prévention à l'usine pour éviter que des produits soient rappelés», précise Laurent Lessard, qui croit que les fromagers ne devraient pas être stressés lorsque l'inspecteur cogne à la porte.

«Ça devrait être le contraire, explique-t-il. Parce qu'en alimentation, le premier vecteur de réussite, c'est sûrement la confiance des Québécois envers un secteur. Il faut avoir confiance en un produit. Comment avoir confiance en un produit? C'est de faire ce que tout le monde qui est encore dans l'alimentation a fait: faire de la prévention et du contrôle de qualité dans les usines. Honnêtement, il faut être capable de le dire, après l'événement de la listériose, on s'est aperçu que les programmes de contrôle et d'assurance qualité dans les usines étaient loin d'être partout égaux.»

«On a donc implanté des mesures dans les usines, poursuit le ministre, avec une nouvelle philosophie: on doit les accompagner.»

Apparemment, la réalité est moins belle sur le plancher des vaches.

Louis Arsenault, est président de la nouvelle Association des fromagers artisans du Québec, un regroupement, formé après la crise, de petits fromagers qui cherchent une meilleure représentation et une voix commune. Il était extrêmement déçu hier d'apprendre que les artisans devront se contenter des prêts que le MAPAQ leur a offerts.

Il était aussi très surpris d'apprendre que le ministre calcule que seulement quatre ou cinq fromageries québécoises ont cessé de faire des fromages au lait cru. «Je crois que quelqu'un ne sait pas compter ici: d'après les données du MAPAQ, il n'y a plus qu'une douzaine de fromageries qui font du lait cru. Ce sont leurs chiffres!»

L'année dernière, il y en avait pratiquement trois fois plus.

La réputée fromagerie Lehmann est l'une des entreprises qui ont cessé de travailler avec le lait cru, parce que les inspections du MAPAQ rendaient impossibles la gestion des stocks. Jacob Lehmann se plaint ouvertement du travail du MAPAQ depuis des mois. Il cesse maintenant de produire son Valbert, impossible à reproduire avec du lait chauffé.

Fromages importés

Laurent Lessard réagissait aussi hier à la diffusion d'un reportage à La semaine verte la fin de semaine dernière dans lequel des fromages européens sont passés sous la loupe d'un laboratoire. Cinq échantillons sur huit ne répondaient pas aux normes provinciales auxquelles doivent se conformer les fromagers d'ici. «C'est inacceptable et ça doit sortir», a tranché le ministre. Peu importe la provenance du fromage.

Le hic, c'est que les fromages importés relèvent du gouvernement fédéral. L'Agence canadienne d'inspection des aliments doit s'assurer que les aliments importés respectent les normes canadiennes. Mais pour trouver des failles, il faut tester les produits. Dans le cas du fromage, les inspecteurs de l'Agence ont testé 360 fromages au Québec l'année dernière, a précisé le ministre Lessard.

Le MAPAQ compte aussi sur une équipe d'inspecteurs, mais le fromage importé n'a pas été mis sur une liste prioritaire et, d'après ce qu'a expliqué le ministre hier après-midi, il n'est pas question de le placer sur un programme d'analyses systématiques.

Un fromage testé par jour, c'est trop peu, répond Louis Arsenault, qui considère qu'il y a deux poids, deux mesures pour les fromages actuellement au Québec: des inspections et des normes très sévères pour les artisans locaux et de rares inspections, au hasard, en comptoir pour les produits importés.