C'est sans doute un peu injuste de diriger vers Emmanuel Dubourg seul le cynisme des contribuables révoltés de voir les politiciens toucher de généreuses indemnités de départ lorsqu'ils partent sans avoir terminé leur mandat. Des élus de tous les partis, dont Pauline Marois, François Legault et Philippe Couillard, ont eu droit au même privilège. Mais le climat politique a considérablement changé au cours de la dernière année, notamment en raison des compensations accordées aux élus municipaux qui ont démissionné après avoir été éclaboussés par la commission Charbonneau. Le citoyen ordinaire ne touche rien de plus que ses vacances lorsqu'il quitte un emploi de son plein gré, peu importe ses raisons. Pourtant, c'est à même les impôts de ce même citoyen que les politiciens s'accordent des compensations qui dépassent généralement les 100 000$. On lui impose en plus les coûts d'une élection complémentaire, qui frisent le demi-million de dollars.

C'est dans ce contexte que la démission d'Emmanuel Dubourg mérite le blâme. En fin de semaine, le chef du Parti libéral du Québec (PLQ), Philippe Couillard, a expliqué qu'il n'est pas facile de quitter la politique et de réintégrer le marché du travail, ce qui peut justifier l'existence d'une compensation. Mais l'ex-député Dubourg ne quitte pas la politique: il veut passer sur la scène fédérale, où le salaire des élus est deux fois plus élevé qu'au provincial et où il pourra se bâtir un troisième régime de retraite gouvernemental...

Dimanche, un ancien collègue de M. Dubourg a fait valoir que l'ex-député de Viau serait "ministrable" à Ottawa et que sa présence au sein d'un gouvernement dirigé par Justin Trudeau pourrait servir les intérêts du Québec. Ministrable, M. Dubourg? Si c'était le cas, pourquoi Jean Charest ne l'a-t-il pas invité dans son Conseil des ministres? En réalité, l'ex-député ne s'est pas illustré à Québec. Ses interventions au sein des commissions parlementaires, où les élus ont l'occasion de montrer leur compétence, visaient généralement à vanter les mérites du gouvernement Charest au lieu de chercher à améliorer ses politiques.

C'est un personnage très gentil, M. Dubourg, et ça me peine un peu d'être aussi sévère à son endroit. Mais de là à nous faire croire qu'il pourrait devenir un poids lourd d'un gouvernement libéral à Ottawa, il y a une marge. En réalité, le seul mérite de sa démission, c'est que son départ ouvrira une circonscription acquise aux libéraux: Philippe Couillard pourra donc y recruter un candidat de calibre.

La démission d'Emmanuel Dubourg, dans le contexte actuel, forcera les parlementaires à se poser crûment la question cet automne. Le ministre Bernard Drainville a tenté en vain, au printemps, de faire adopter une loi abolissant les indemnités de départ pour les députés qui quittent leur poste avant la fin de leur mandat sans raison valable. Le cas Dubourg est le meilleur exemple que l'on puisse trouver pour illustrer le problème.

Des élections cet automne? Voyons donc! Pauline Marois serait crucifiée si elle tentait le coup avant de démontrer qu'elle aura été capable de ramener le Québec à l'équilibre budgétaire. On l'accuserait de vouloir cacher le prochain déficit. Au PLQ, Philippe Couillard n'a aucun intérêt à renverser le gouvernement avant d'avoir terminé sa réforme promise du parti et préparé sa plateforme électorale. Si M. Couillard a évoqué la possibilité d'élections la fin de semaine dernière, c'est tout simplement pour mobiliser ses militants. Même chose pour François Legault, qui tient vraiment à publier son livre sur le Projet Saint-Laurent et à réunir ses militants en novembre, avant le déclenchement d'élections.