Le ministre de l'Immigration, Simon Jolin-Barrette, qualifie de « saugrenu » le recours juridique intenté par l'Association québécoise des avocats et avocates en droit de l'immigration (AQAADI) contre Québec concernant les 18 000 dossiers d'immigration annulés.

L'AQAADI et Seeun Park, une Coréenne arrivée au Québec en 2017, ont déposé conjointement mercredi à la Cour supérieure du Québec une demande introductive d'instance en injonction provisoire, interlocutoire et permanente afin de forcer le gouvernement Legault à poursuivre le traitement des quelque 18 000 dossiers qui ont été annulés lors du dépôt du projet de loi 9, le 7 février dernier. La requête sera entendue vendredi à la Cour supérieure du Québec, à Montréal. 

Quelques minutes après que la nouvelle eut été publiée, M. Jolin-Barrette a été questionné sur le sujet par le leader de l'opposition officielle, Sébastien Proulx, lors de la période des questions.  

«On lui a parlé de coeur, d'humanité, maintenant on lui parle de justice [...]. Va-t-il traiter les 18 000 dossiers [et] ne pas engager des fonds publics» dans cette bataille judiciaire, a questionné M. Proulx au Salon bleu de l'Assemblée nationale.

«J'espère que le leader de l'opposition officielle [...] respecte notre institution à l'effet que le travail du parlement doit suivre son cours et [qu'il] ne doit pas y avoir d'interventions judiciaires dans le cadre des travaux du parlement du Québec», a répondu M. Jolin-Barrette.  

«Est-il d'accord avec le fait que l'Assemblée nationale, que les commissions parlementaires sont souveraines pour adopter les différents projets de loi? Et est-il d'accord avec le fait qu'une procédure judiciaire [intentée] suite au dépôt d'un projet de loi qui n'a pas été étudié, dont l'adoption de principe n'a pas eu lieu, qu'il n'y a pas eu d'étude détaillée et qui n'a pas été sanctionné, c'est saugrenu comme procédure et comme façon de faire?», a poursuivi le ministre de l'Immigration.  

«Cette procédure (...) s'attaque à une de ses décisions, qui est de ne pas traiter ces 18 000 dossiers. C'est de ça dont il est question, pas du projet de loi, pas de l'étude article par article, pas des consultations», a toutefois répliqué M. Proulx.  

En mêlée de presse après la période des questions, M. Jolin-Barrette a affirmé que le gouvernement agit «en conformité des pouvoirs qui [lui] sont dévolus» et qu'il rejette l'allégation de l'AQAADI selon laquelle annuler le traitement des 18 000 dossiers, alors que le projet de loi n'est pas adopté, est illégal.  

«Si la cour accepte d'être saisie de la requête, le procureur général du Québec présentera la position du gouvernement», a-t-il complété.  

L'opposition réagit 

Du côté de l'opposition, la critique libérale en matière d'immigration, Dominique Anglade, a dénoncé mercredi le manque de sérieux du gouvernement Legault depuis le dépôt du projet de loi 9.

«Aujourd'hui, on est rendu avec une demande d'injonction, ce qui signifie qu'on va se retrouver avec des dépenses légales pour le gouvernement qui va devoir se défendre de ne pas faire le travail qu'il est [censé] faire. (...) Quand on fait un travail aussi peu rigoureux, il ne faut pas s'étonner que des choses comme ça se produisent», a-t-elle déclaré lors d'un point de presse.  

Catherine Fournier, critique du Parti québécois (PQ) en matière d'immigration, a pour sa part qualifié le recours déposé aujourd'hui de «conséquence du cafouillage des dernières semaines». Elle souhaite que Québec traite les 18 000 dossiers annulés.   

- Avec Tommy Chouinard, La Presse