Le Centre de recherche sur les grains (CEROM), projeté à l'avant-scène depuis le congédiement du lanceur d'alerte Louis Robert, devra apporter une trentaine de changements dans sa gouvernance s'il souhaite conserver son financement public. Les dirigeants du CEROM seront rencontrés au ministère de l'Agriculture, aujourd'hui, afin d'entendre les exigences de Québec dont dépend le renouvellement de sa subvention pour l'an prochain, a appris La Presse.

En conférence de presse la semaine dernière, le ministre de l'Agriculture André Lamontagne a indiqué qu'il pourrait « tirer la plogue » sur le financement du CEROM s'il n'y avait pas une complète indépendance scientifique et que la gouvernance n'y était pas réalisée « dans les règles de l'art ».

Ce matin, des fonctionnaires du ministère de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation du Québec (MAPAQ) demanderont aux administrateurs du CEROM de mettre en oeuvre une série de 29 recommandations élaborées par un groupe d'experts externes rattachés à la Chaire de gouvernance Stephen-A.-Jarislowsky de HEC Montréal. Ces spécialistes avaient été embauchés par le CEROM dans la foulée d'un reportage accablant de Radio-Canada sur l'ingérence du privé dans la recherche publique sur les pesticides. À l'époque, le MAPAQ avait demandé au CEROM de revoir sa structure organisationnelle.

La Presse a obtenu une copie de ces recommandations auprès d'une source gouvernementale.

Elles proposent notamment que le conseil d'administration soit désormais composé en majorité de membres indépendants. Elles suggèrent aussi le recrutement d'un nombre « optimal » de chercheurs au conseil d'administration, chercheurs qui ne font pas carrière au CEROM, mais qui possèdent une expertise scientifique pertinente.

Qui dirige le CEROM actuellement ?

Au cours des deux dernières semaines, plusieurs observateurs ont remis en question la crédibilité des dirigeants du CEROM, dont l'une des missions est de réduire le recours aux pesticides nocifs pour l'environnement.

Financée majoritairement par des fonds publics, cette société à but non lucratif est dirigée par Christian Overbeek, président des Producteurs de grains du Québec. Ce syndicat affilié à l'Union des producteurs agricoles (UPA) représente 11 000 producteurs. Ce dernier est aussi enregistré comme lobbyiste pour demander un assouplissement de règlements provinciaux visant à encadrer l'utilisation de pesticides à plus haut risque.

Les experts indépendants qui ont scruté le fonctionnement du CEROM recommandent que le conseil d'administration diminue le nombre de postes attribués en contrepartie d'un financement.

Selon Radio-Canada, les Producteurs de grains avaient assumé environ 5,5 % du budget du CEROM en 2016. Ils occupent trois sièges au conseil d'administration, dont celui de président et de secrétaire.

La Coop fédérée, qui a assuré 1,3 % du financement du CEROM en 2016, est quant à elle représentée à la vice-présidence et dans un poste d'administrateur.

À titre de comparaison, le MAPAQ a un simple observateur au conseil d'administration, et il n'est pas habilité à voter.

Un représentant de la société Synagri, qui vend notamment des pesticides, siège aussi au conseil d'administration

Québec demandera au CEROM de s'assurer que la moitié des officiers du conseil d'administration (président, vice-président, secrétaire, trésorier) soient des membres indépendants, dont au moins le président ou le vice-président.

Christian Overbeek a confirmé à La Presse qu'il assisterait à la réunion au MAPAQ aujourd'hui. Il a indiqué que le CEROM avait dressé un plan d'action prévoyant des échéances pour tenter de répondre à chacune des 29 recommandations, mais a ajouté qu'il préférait attendre avant de le divulguer publiquement.

***

3,6 millions: Subvention provinciale accordée au CEROM en 2017

640 000 $: Subvention fédérale accordée au CEROM en 2017

***

D'autres recommandations des experts en gouvernance que le MAPAQ demandera au CEROM d'appliquer

- Modifier les règlements généraux pour restreindre les pouvoirs du président du conseil d'administration, notamment son vote prépondérant

- Modifier les définitions d'indépendance et de conflit d'intérêts

- Modifier les règlements généraux pour ajouter une catégorie de membres ayant droit de vote, sans l'associer à une exigence de financement

- Doter le conseil d'administration d'un processus formel de rotation des fonctions de présidence, de vice-présidence, de trésorier et de secrétaire en tenant compte des relations qu'ils entretiennent entre eux (à l'heure actuelle, le secrétaire du conseil et le président appartiennent à la même organisation), et en favorisant un niveau d'indépendance optimal pour le bon fonctionnement du conseil et la réalisation de la mission de l'organisation.