Il y a un « bris de confiance évident » entre la population et le ministre de l'Agriculture, André Lamontagne, empêtré dans une nouvelle controverse.

C'est ce qu'a soutenu l'opposition officielle lundi, qui est allée jusqu'à comparer les positions de M. Lamontagne avec celles d'une conseillère municipale de Gatineau, dégommée récemment pour avoir exprimé ses doutes sur le fait que la Terre est ronde.

Sans aller jusqu'à demander clairement sa démission, les partis d'opposition évoquent le « bris de confiance » et un « choix à faire » par le premier ministre sur l'avenir de M. Lamontagne.

Déjà empêtré dans une controverse sur un fonctionnaire congédié, M. Lamontagne a créé samedi une autre polémique au congrès de l'Union paysanne, une association de petits producteurs agricoles. Il a laissé entendre qu'il y avait « quelques ayatollahs » au ministère de l'Environnement concernant l'agriculture - des empêcheurs de tourner en rond -, dans un entretien qu'il a cité avec Benoit Charette, son collègue à l'Environnement.

« "Benoit, chez vous, qui s'occupe de l'agriculture ? Quelle compréhension il a de l'agriculture ? Il va falloir qu'on s'assoie, qu'on trouve un moyen de sensibiliser les gens chez vous. " Là-dedans, il y a quelques ayatollahs, on s'entend là-dessus - pour voir comment on peut s'accommoder », a rapporté Radio-Canada.

« Rejet de la connaissance scientifique »

En entrevue téléphonique avec La Presse canadienne lundi, la porte-parole de l'opposition officielle, Marie Montpetit, a laissé entendre que M. Lamontagne était en train de se discréditer en désavouant les scientifiques et conseillers des ministères.

La députée de Maurice-Richard a rappelé qu'il s'était d'abord targué d'avoir congédié un agronome qui avait dénoncé l'ingérence du privé dans la recherche publique sur l'usage des pesticides, pour ensuite avouer son erreur.

Et maintenant, plutôt que de dénoncer les conseillers du ministère de l'Environnement, le ministre devrait être « plus sensible à ces questions (scientifiques) », après ce qui est arrivé à la conseillère municipale Nathalie Lemieux, qui a perdu son titre de mairesse suppléante de Gatineau pour avoir laissé entendre qu'il y a un complot pour éliminer les preuves que la Terre est plate.

« C'est un ministre qui refuse de s'appuyer sur la science et qui se repose sur ses intuitions, a dit Mme Montpetit. Il faut que ses décisions reposent sur des données scientifiques. Dans la même semaine où une conseillère municipale est rétrogradée, il y a un ministre qui refuse de se baser sur la connaissance. C'est un rejet de la connaissance scientifique. »

Mme Montpetit se pose de « sérieuses questions sur le jugement de François Legault », à savoir s'il continue d'accorder sa confiance à un ministre « qui s'embourbe ».

« Il y a des décisions qui s'imposent. Il n'y a personne au gouvernement qui est venu rassurer la population sur toute la question des pesticides (après le congédiement du fonctionnaire agronome). De voir aller un ministre qui ne s'appuie pas sur des choses solides pour prendre des décisions, ce n'est pas rassurant. L'étau se resserre. Il y a un bris de confiance évident entre le ministre et la population. »

« Un choix à faire »

M. Lamontagne accumule les bourdes et c'est à se demander « s'il est capable de comprendre les enjeux », selon le porte-parole du Parti québécois en agriculture, le député de Bonaventure, Sylvain Roy.

Dans une entrevue téléphonique avec La Presse canadienne lundi, M. Roy, sans en appeler clairement à la démission, a rappelé que le premier ministre avait « dégommé pour bien moins que cela » sa ministre de l'Environnement, MarieChantal Chassé, simplement pour ses problèmes de communication.

« Il ne veut peut-être pas changer de ministre, pour ne pas perdre la face, mais si le ministre continue, les dommages vont être encore pires. Donc, le premier ministre va avoir un choix à faire. »

M. Roy se pose des questions sur le jugement qu'a exercé M. Legault au moment de composer son conseil des ministres et maintenant qu'il doit réagir à la bourde de son ministre de l'Agriculture.

Réaction de François Legault

Pour sa part, M. Legault a défendu son ministre. Dans une conférence de presse à Terrebonne, il a affirmé que les délais sont « beaucoup trop longs » au ministère de l'Environnement dans l'analyse des projets soumis par les municipalités et les entreprises. Il s'est toutefois gardé d'affubler une épithète aux fonctionnaires.

« Je ne qualifierai pas les gens qui retardent indûment, peut-être qu'il manque de personnel, mais le ministre de l'Environnement a comme mandat de réduire ces délais », a-t-il commenté.

Le syndicat dénonce le ministre

Le Syndicat des professionnels du gouvernement du Québec (SPGQ) s'est porté à la défense de ses membres en rabrouant M. Lamontagne.

« C'est un jour triste pour nos professionnels qui se font traiter d'ayatollahs, alors qu'ils s'emploient à faire respecter les lois visant à protéger la qualité de l'air, de la terre, des eaux, des aliments et, de manière plus générale, de l'environnement », a déploré le président du SPGQ, Richard Perron.

Il a demandé du même souffle au ministre Benoit Charette de se dissocier des propos de son collègue.