Un organisme de développement économique s'apprête à dépenser près de 70 000 $ en fonds publics pour un «lac-à-l'épaule» de 24 heures dans une auberge de charme. Une dépense qualifiée de «totalement inacceptable» par la ministre responsable du dossier.

Le Réseau national des pôles régionaux d'innovation (RNPRI), créé l'an dernier, doit réévaluer la décision d'inviter 130 personnes à l'Auberge du Lac-à-l'Eau-Claire, en Mauricie, début février, a affirmé en entrevue la ministre déléguée au Développement économique régional, Marie-Eve Proulx.

Dans une lettre obtenue par La Presse, le RNPRI invite les membres des nouveaux pôles régionaux d'innovation à cette rencontre avec comme but «d'exister en tant que réseau». Les chambres à l'auberge sont incluses, tout comme les repas, ainsi que l'accès à la piscine et au spa.

Facture prévue pour l'organisme financé à 100% par l'État : 538 $ par personne pour une rencontre qui commence à 14h le 7 février et se termine le lendemain à 15h.

«C'est totalement inacceptable, a dit la ministre Proulx. Il n'y a rien là-dedans qui nous satisfait. On a eu un mandat fort des Québécois pour veiller au bon usage des fonds publics, et ce n'est pas le cas.»

Un besoin réel, dit le réseau

Le patron du RNPRI, Philippe Nadeau, a fait valoir que son projet de «lac-à-l'épaule» répondait à un besoin réel et que son budget était même plus bas que le montant approuvé par le gouvernement précédent.

«C'est notre comité stratégique, c'est le moment où l'on rencontre les 18 régions du Québec, donc un moment privilégié, où on rencontre des politiques qui tournent autour des dossiers», a affirmé Philippe Nadeau en entrevue.

Il a précisé que le coût exact de la réunion ne pourra être finalement déterminé qu'au moment où la liste de présences sera finale, mais que le budget approuvé par le gouvernement précédent prévoyait 100 000 $ pour ce rassemblement.

Débat de fond

La sortie de la ministre fait suite à la réception d'une lettre de la Fédération québécoise des municipalités (FQM), obtenue par La Presse, qui dit s'interroger «sur le fait et la façon dont cette organisation utilise des fonds provenant de [son] ministère».

Plus généralement, la FQM est très critique envers le déploiement d'un réseau de pôles régionaux d'innovation, décidé l'an dernier par le gouvernement Couillard et doté d'un budget totalisant 32 millions. Selon la FQM, leur rôle «pose le problème de la multiplication des intervenants», puisque les municipalités régionales de comté (MRC) avaient déjà le mandant d'appuyer l'innovation sur leurs territoires respectifs.

Philippe Nadeau a fait valoir que la FQM avait une place réservée au conseil d'administration de son organisation et qu'elle y était la bienvenue pour faire entendre son avis. «C'est dommage», a-t-il laissé tomber quant à la lettre critique envoyée à la ministre Proulx.

Cette dernière a affirmé à La Presse qu'elle réviserait dans les prochaines semaines «la mesure encadrant la création et le fonctionnement des pôles régionaux d'innovation». «On va s'assurer de revoir leur utilisation, a-t-elle dit. On est en mode révision, en mode enquête.»