La scène se déroule dans un centre commercial de Longueuil durant la dernière fin de semaine de la campagne électorale au Québec, à moins de 24 heures du scrutin.

Le chef caquiste François Legault croise les deux instigateurs de « Parlons environnement », un mouvement présent sur les réseaux sociaux qui incitait les partis à aborder en priorité les enjeux environnementaux et la lutte contre les changements climatiques. Est-ce un hasard ?

Ils reprochent à la Coalition avenir Québec (CAQ) la faiblesse de son programme en environnement et son intention de prolonger des autoroutes.

M. Legault fait quant à lui valoir qu'il veut également prolonger le Réseau électrique métropolitain (REM) et investir 100 millions pour décontaminer des terrains dans l'est de Montréal.

Les deux militants repartent « pas rassurés, pas satisfaits ».

À l'image de cette escarmouche, l'enjeu de l'urgence climatique a été imposé à l'état-major caquiste, qui n'a pas pu choisir de sa propre initiative d'en faire un de ses grands thèmes.

À peine quelques jours après l'élection du nouveau gouvernement caquiste majoritaire, un volumineux rapport scientifique du Groupe d'experts sur l'évolution du climat (GIEC) destiné aux décideurs du monde entier prédisait des conséquences désastreuses si le réchauffement des températures n'était pas limité à 1,5 degré par rapport au niveau préindustriel.

Le Parti libéral, le Parti québécois et Québec solidaire ont rapidement détecté la faille dans l'armure de la CAQ, son « talon d'Achille », son « angle mort », des expressions qui ont été reprises depuis.

Dans une rare unanimité, ils ont réclamé des États généraux sur l'urgence climatique, en vain, mais ont poursuivi leurs tirs groupés.

La nomination de MarieChantal Chassé, une novice en politique, à titre de ministre de l'Environnement n'a pas contribué non plus à donner le signal que la CAQ donnait un coup de barre dans le nouveau cabinet caquiste.

La nouvelle ministre a été perçue par l'opposition comme le « maillon faible » à attaquer en Chambre lors de la courte session parlementaire qui a suivi le discours inaugural.

Des débuts difficiles

Une suite de positions et de décisions ont pu par ailleurs noircir le bilan des premiers pas de l'équipe caquiste en matière de protection de l'environnement.

Pensons au troisième lien, ce projet de nouveau lien autoroutier entre la rive nord et la rive sud promu par la CAQ à Québec. S'est ajouté le projet d'usine d'urée à Bécancour, ainsi qu'un projet de pipeline qui partirait de l'Ontario pour se rendre au Saguenay, et enfin l'autorisation du passage d'une piste de motoneige dans le Parc national du Mont-Tremblant.

Le premier ministre n'a tout de même pas manqué de ligne de défense ou de bouée de sauvetage.

Par exemple, il s'est emparé rapidement d'un rapport qui constatait une hausse constante des émissions de gaz à effet de serre du Québec au cours des dernières années, alors que la cible officielle est de réduire de 20 % les émissions d'ici à 2020, par rapport au niveau de 1990.

Il a ainsi eu beau jeu de critiquer le gouvernement libéral précédent, mais a toutefois refusé de confirmer qu'il maintenait la cible de 2020.

Pareillement, la pagaille constatée dans un rapport sur la gestion, durant le règne libéral, du Fonds vert - l'enveloppe spéciale du gouvernement destinée à financer des mesures de lutte contre les changements climatiques - lui a permis de se dédouaner.

Les trois partis de l'opposition ont toutefois tenté de garder l'initiative. Ils ont exigé que le premier ministre participe à la COP24, le grand sommet annuel des Nations unies sur les changements climatiques, au début de décembre.

Ses prédécesseurs comme Jean Charest et Philippe Couillard y ont déjà pris part et le Québec y a un rôle reconnu de meneur parmi les États fédérés. François Legault a cependant refusé d'y aller, « un rendez-vous manqué » selon l'opposition.

Le Parti libéral est revenu à la charge en demandant une grande « mobilisation » du milieu des affaires et du gouvernement Legault afin de poser la candidature du Québec en vue d'accueillir le sommet de l'ONU sur le climat de 2020, la COP26.

François Legault a refusé, prétextant qu'il est plutôt un homme d'action. Alors 2019 sera un test : son gouvernement sera placé sous surveillance concertée des partis de l'opposition pour obtenir des résultats dans la lutte contre les changements climatiques et la transition énergétique.