Le Directeur général des élections (DGEQ), Pierre Reid, oppose une fin de non-recevoir à une demande du gouvernement Couillard de vérifier si la collecte de données personnelles par les partis politiques est légale. Une telle enquête serait inutile, car aucune loi n'encadre cette pratique, explique sa porte-parole.

La ministre responsable des Institutions démocratiques, Kathleen Weil, a annoncé qu'elle présenterait une motion à l'Assemblée nationale aujourd'hui dans la foulée du scandale Facebook-Cambridge Analytica. Le texte engage l'Assemblée nationale à demander au DGEQ « de vérifier auprès des partis politiques les méthodes de récolte de données personnelles des électeurs, et d'en vérifier la conformité avec les lois applicables ».

« On a vu une préoccupation partout dans le monde. Est-ce que ce qui s'est passé aux États-Unis pourrait se passer ici ? Comment peut-on se prémunir par prévention ? [...] Je pense que c'est une préoccupation qui est partagée par tous. »

- Kathleen Weil, ministre responsable de la Réforme des institutions démocratiques

Or, avant même que la motion ne soit soumise aux députés, M. Reid prévient qu'il n'y donnera pas suite.

« On ne peut pas vérifier les méthodes de récolte de données personnelles des électeurs selon les lois applicables parce que ça n'existe pas : ce n'est pas prévu dans les lois actuellement », a indiqué sa porte-parole, Alexandra Reny.

Les partis politiques ne sont assujettis à aucune loi en matière de protection des renseignements personnels, a-t-elle souligné. Il n'est donc pas illégal pour eux de colliger des données recueillies sur les réseaux sociaux pour épier les électeurs, ou pour cibler et mobiliser d'éventuels partisans.

Cette pratique, déployée à grande échelle lors du référendum sur le Brexit et de l'élection présidentielle américaine de 2016, se trouve maintenant au coeur du scandale Facebook-Cambridge Analytica.

« Si [les partis] le font, ils ne contreviennent pas à la loi, telle que la loi est actuellement stipulée. Donc, avant toute chose, on voudrait changer la loi, et c'est ce qu'on demande depuis des années. »

- Alexandra Reny, porte-parole du DGEQ

Le DGEQ réclame depuis près de cinq ans des changements législatifs pour encadrer l'usage des données personnelles des citoyens par des entités politiques. Dans son rapport annuel de 2012-2013, il recommandait déjà une « réforme en profondeur » de la Loi électorale à cet égard. Il proposait aussi de créer un code d'éthique pour encadrer les partis.

Cette demande est restée lettre morte. M. Reid l'a réitérée dans son dernier rapport annuel, rendu à l'Assemblée nationale l'automne dernier.

Dans son rapport annuel 2016-2017, le directeur général des élections écrivait : « Nous nous inquiétons de la mise en place par les partis politiques, de banques de données qui recueillent des renseignements sur les électeurs sans que ces derniers aient consenti à cette collecte. À cet effet, nous recommandons de réduire la fréquence de transmission des listes électorales en dehors d'une période électorale puisque la finalité de la liste électorale permanente n'est pas de favoriser la constitution de telles banques de données par les partis politiques. Nous recommandons également de donner le choix aux électeurs de refuser la communication de leurs renseignements personnels aux partis politiques, aux députés et aux candidats. »

ÉCHOS À L'ASSEMBLÉE NATIONALE

La semaine dernière, le premier ministre Philippe Couillard a ouvertement soupçonné la Coalition avenir Québec (CAQ) et Québec solidaire (QS) d'avoir embauché une firme pour colliger des données personnelles d'électeurs sur les réseaux sociaux. Les deux partis ont nié.

Le député solidaire Gabriel Nadeau-Dubois a répliqué, hier, avec une motion qui demandait aux partis de rendre publiques les ententes les liant à des entreprises de récolte de données. Le gouvernement s'y est opposé avant d'annoncer son intention de solliciter le DGEQ.

Le chef de la CAQ, François Legault, a convenu qu'il serait « souhaitable » que le DGEQ se penche sur la question. Il souhaite que des balises soient en place en vue des élections d'octobre.

L'automne dernier, son parti s'est targué d'avoir payé plus de 1 million de dollars pour un outil informatique qui sert à centraliser plusieurs informations sur les électeurs.