Un témoin-vedette de la commission Charbonneau, Lino Zambito, a affirmé hier sur les ondes de la station de radio 98,5FM que 600 000 $ comptant ont été amassés lors de deux cocktails-bénéfices du Parti libéral du Québec (PLQ), dont 400 000 $ placés dans une valise qui a été déposée dans la voiture de fonction du premier ministre Jean Charest, en 2005.

La Presse a joint Luigi Coretti, ancien patron de l'agence de sécurité BCIA, qui aurait assuré la sécurité lors de ces événements et transporté l'argent comptant. M. Coretti corrobore les allégations de Lino Zambito qui, lui, n'était pas présent lors de ces événements.

« En 2005, l'argent a été transporté par des gardes de sécurité qui ont été engagés par la firme de sécurité BCIA de Luigi Coretti, a affirmé M. Zambito en entrevue avec l'animateur Benoît Dutrizac. Il était sur place. Ses employés ont apporté l'argent dans l'auto de fonction de M. Charest. Il ne faut pas oublier que le premier ministre est protégé par des agents de la SQ. Donc, on a fait ça sous les yeux des policiers de la SQ. »

En début d'après-midi, la station avait retiré l'entrevue de son site internet. Le directeur du 98,5FM, Michel Lorrain, a fait savoir qu'il ne ferait aucun commentaire.

Joint hier, Luigi Coretti promettait de « corroborer et collaborer avec les forces de l'ordre ». Il jouait toutefois de prudence : « Notre compagnie était là. On a vu certaines choses. On va attendre que les autorités nous appellent pour clarifier. S'il y a une commission parlementaire, ce qui est fort possible, je ne veux pas divulguer la preuve qu'on a en main. »

M. Coretti a ajouté que M. Zambito était « très crédible ».

« Je ne peux pas dire que [M. Zambito] exagère, ce n'est pas une personne qui exagère. Des agents de notre compagnie étaient là, certaines choses leur ont été demandées », a dit Luigi Coretti, de la firme de sécurité BCIA.

M. Coretti faisait face à des accusations de fraude qui sont tombées à cause des trop longs délais judiciaires.

« INFONDÉ ET FARFELU »

La Presse a joint le bras droit de Jean Charest, Me Grégory Larroque. Ce dernier a été tranchant, affirmant que M. Charest « ne se rabaissera pas à commenter ». « Permettez-moi de vous dire que ce qui est rapporté par M. Zambito est infondé et farfelu ! », a soutenu Me Larroque.

Selon M. Zambito, plusieurs participants aux cocktails de financement ont signé une déclaration sous serment devant notaire. Les documents auraient été remis à l'Unité permanente anticorruption (UPAC).

Les deux cocktails de financement se seraient déroulés au Sheraton, à Laval. Une première activité aurait eu lieu en 2003, permettant de récolter des contributions en argent comptant de 10 000 $. Jean Charest, qui n'était pas encore premier ministre, aurait été présent à l'événement.

Un deuxième cocktail se serait déroulé à l'automne 2005 ; cette fois, M. Charest était premier ministre. Lino Zambito a indiqué qu'une vingtaine d'hommes d'affaires auraient remis chacun 20 000 $ en argent comptant pour l'occasion. M. Charest aurait été présent.

M. Zambito a indiqué au 98,5FM avoir fourni ces informations à l'UPAC dans le cadre de l'enquête concernant l'ancienne vice-première ministre Nathalie Normandeau. Il s'est d'ailleurs indigné que ce dossier ne bouge pas à l'UPAC depuis 14 mois.

À l'UPAC, la porte-parole Anne-Frédérick Laurence n'a pas voulu indiquer si les déclarations de M. Zambito correspondaient au témoignage fait devant les enquêteurs.

« L'information est trop sensible. M. Zambito est un témoin dans nos dossiers. On ne rentrera pas dans le "build up" qu'il essaie de faire », a dit Anne-Frédérick Laurence, porte-parole de l'UPAC.

En coulisses, on comprend que le grand patron de l'UPAC, Robert Lafrenière, est furieux des déclarations publiques multipliées depuis plusieurs mois par M. Zambito, reconnu coupable de fraude en 2015.

COMMISSION PARLEMENTAIRE RÉCLAMÉE

Le député Pascal Bérubé, critique du Parti québécois (PQ) en matière de sécurité publique, ainsi que le député Éric Caire, de la Coalition avenir Québec (CAQ), souhaitent que MM. Zambito et Coretti puissent témoigner en commission parlementaire pour faire la lumière sur ce dossier.

Chose certaine, Robert Lafrenière aura l'occasion d'éclairer les élus, car il aura à faire face aux questions sur l'UPAC lors de l'étude des crédits à l'Assemblée nationale au cours des prochaines semaines.

Pour M. Caire, il pourrait être utile que le Directeur général des élections puisse enquêter sur ces allégations, puisque le financement politique en argent comptant est illégal pour les contributions de plus de 50 $.

Pour le député Amir Khadir, de Québec solidaire, « dans ce genre de chose, il est bon que toute l'opposition fasse front commun ».