Avocate spécialisée dans les questions d'éthique et de gouvernance, Me Diane Simard était la candidate proposée par le gouvernement Couillard pour succéder à Jacques Saint-Laurent comme commissaire à l'éthique de l'Assemblée nationale.

Mais cette proposition s'est heurtée à un obstacle de taille lorsqu'elle a été soumise à l'opposition, péquiste comme caquiste : Me Simard, directrice du contentieux de l'Union des municipalités, avait donné 100 $ à la caisse du Parti libéral du Québec (PLQ).

«Je me suis présentée au lancement du livre de John Parisella au musée McCord, en mars 2016, je ne savais pas que j'aurais à faire un chèque», a expliqué Me Simard, jointe hier par La Presse. Me Simard, qui avait joué un rôle important dans la rédaction du code d'éthique pour les employés municipaux, savait très bien que cette contribution posait problème à une candidature au poste de chien de garde de l'éthique des parlementaires.

Elle avait soumis son nom aux emplois supérieurs au conseil exécutif, mais on ne lui avait pas proposé ce poste spécifique. Au cabinet de Rita de Santis, on avait suggéré son nom au Conseil exécutif au même moment, mais sa contribution n'apparaissait pas encore sur les listes du Directeur général des élections.

Est alors survenue la démission de Pierre Karl Péladeau, et tout le processus a été suspendu le temps que le Parti québécois trouve un nouveau chef. La règle non écrite veut qu'on ne pourvoie pas ces postes de mandataires de l'Assemblée nationale, qui requièrent l'appui des deux tiers des députés, quand un parti n'a pas un chef permanent. De la même manière, de façon informelle, on attend de trouver un candidat qui fait l'unanimité, et qui n'obtient pas les deux tiers des voix.

À la fin de 2016, quand Jean-François Lisée était en poste, le gouvernement a donc proposé Me Simard, sans vérifier toutefois que cette dernière avait, entre-temps, fait une contribution politique. Me Simard comprend parfaitement que ce geste la disqualifiait pour ce poste, mais il semble qu'on ne lui ait pas précisé qu'aux emplois supérieurs, on la voyait pour cette fonction délicate.

«Pas facile de trouver les meilleures personnes»

En point de presse, hier, sans identifier la candidate, la ministre des Institutions démocratiques, Rita De Santis, a révélé que la proposition de Québec avait été repoussée. Des candidats de calibre sont difficiles à dénicher. «Ce n'est pas facile de trouver les meilleures personnes, particulièrement si on pense qu'on doit avoir un certain consensus, sinon l'unanimité. Je pense à une personne que je croyais qui était absolument fantastique. On en avait même parlé avec des partis d'opposition. La pauvre personne, à un moment donné, a fait un don de 100 $ au PLQ. Ça l'a disqualifiée», a déploré la ministre.

À l'inverse, elle soutient qu'elle n'aurait pas disqualifié un candidat qui aurait donné 100 $ au Parti québécois. «Je dirais : ce n'est pas là-dessus qu'on va prendre une décision, 100 $ au PQ...»

Elle répliquait au député caquiste de Borduas, Simon Jolin-Barrette. « On ne s'est pas opposés à une candidature, le gouvernement a retiré sa proposition », a souligné le député caquiste. Pour lui, une contribution à un parti ne devrait pas automatiquement disqualifier un candidat.

Selon lui, le gouvernement devrait soumettre trois noms de candidats pour chacun de ces postes afin d'offrir un choix aux partis de l'opposition.

« Les oppositions ont donc un très grand pouvoir, celui de refuser une nomination avant même qu'elle ne soit présentée à l'Assemblée nationale, car la tradition veut qu'on recherche l'unanimité », a expliqué Mme De Santis.

«Le gouvernement ne peut donc agir seul, mais les oppositions ne doivent pas bloquer le processus. Il s'agit d'une responsabilité partagée de s'assurer que nos institutions puissent fonctionner», a ajouté Mme De Santis.

À la fin des années 90, le gouvernement Bouchard et l'opposition libérale étaient à couteaux tirés et, pendant longtemps, n'avaient pu s'entendre sur le choix d'un directeur général des élections. Comble d'ironie, il avait fallu légiférer pour pouvoir renouveler l'intérim d'une personne désignée en attendant une nomination en bonne et due forme.

«Le fait de soumettre plusieurs candidatures risque de mettre davantage de personnes dans l'embarras. Cela pourrait aussi soumettre le processus à de la partisanerie par les partis d'opposition, par exemple. Qu'adviendrait-il si chacun des partis s'arrogeait un des candidats soumis sans s'entendre sur celui qui récoltera les deux tiers de l'Assemblée requis pour entériner la nomination? À la fin du processus, la crédibilité de la personne nommée serait teintée par les considérations partisanes [...] Cela risquerait de repousser les candidatures au lieu de les inciter », a affirmé la ministre De Santis. «Plus de candidats, plus de possibilités de magouilles», a-t-elle laissé tomber.

Candidate au poste de Commissaire à l'éthique de l'Assemblée nationale, Me Diane Savard n'était pas à une réunion pour souligner le lancement de la biographie de John Parisella. Elle était à un événement-bénéfice de l'Association libérale de Nelligan, qui amassait du financement pour le député-ministre, Martin Coiteux.

Ancien chef de cabinet de Robert Bourassa, M. Parisella a bondi quand il a lu que Me Savard croyait être à un lancement de livre quand elle s'est présentée au Musée McCord en mars 2016. M. Parisella était conférencier invité à cet événement organisé par le PLQ, son autobiographie avait été lancée quatre mois plus tôt, à Montréal et à Québec.

«Si Mme Savard a fait un chèque sur place, elle l'a fait au nom de l'association de comté» pour du financement politique, rien à voir avec le livre publié par La Presse d'expliquer M. Parisella. Pour avoir contribué à la caisse électorale du PLQ, Me Savard, directrice du contentieux à l'Union des municipalités a été disqualifiée par les partis d'opposition pour le poste de Commissaire à l'éthique.