Le gouvernement Couillard déposera un mini-budget avant la fin de l'année, probablement à la fin du mois de novembre, une «mise à jour économique» qui contiendra une première baisse d'impôt, selon le plan de match préconisé dans le rapport du fiscaliste Luc Godbout.

Mais avec la carotte arrive le bâton. Lors d'un Conseil des ministres extraordinaire, lundi prochain à Québec, les membres du gouvernement vont s'engager dans un exercice exigeant: préciser la dernière partie des 800 millions de dollars de compressions qu'il faudra appliquer pour terminer l'année 2015-2016 sur les cibles. Et surtout, fournir les pistes pour les compressions de 2016-2017, où il faut trouver encore près de 1 milliard d'économies.

La plupart des ministres ont été laissés totalement dans le brouillard sur le contenu de ce Conseil des ministres extraordinaire. Certains recevront leur plan de match pour des changements structurels, susceptibles de permettre l'atteinte des cibles budgétaires de l'an prochain. Pour 2015-2016, le gouvernement est «sur les cibles» tant du côté des recettes que des dépenses, mais les 800 millions demeurent un défi important avant d'arriver à la fin de l'année financière.

Comme l'an dernier, la «déclaration économique» prendra vite l'allure d'un mini-budget, car on y trouvera des décisions à incidence fiscale. Pour s'appliquer sur une année d'imposition, une mesure doit être annoncée avant le 1er janvier. L'an dernier, le ministre des Finances Carlos Leitao avait profité de l'opération du début de décembre pour annoncer une série de mauvaises nouvelles, des hausses de taxes sur l'alcool.

En retour, il faut s'attendre à une opération qui va au-delà des simples coupes dans les budgets des programmes, à refaire chaque année. On voudra des changements structurels qui, année après année, entraîneront des économies. Ainsi, les scénarios de privatisation partielle de la Société des alcools ou d'Hydro Québec sont carrément au rancart - ces opérations procureraient des gains importants, mais non récurrents.

Une seule déclaration de revenus

Selon les informations obtenues par La Presse, le gouvernement examine sérieusement l'idée de transférer au fédéral la perception des impôts, au moins pour les entreprises, une proposition du rapport du comité présidé par Lucienne Robillard, rendu public à la fin du mois d'août. Le gouvernement a en poche des sondages d'opinion montrant que les contribuables sont exaspérés de devoir remplir deux déclarations de revenus, soit une pour Québec et une pour Ottawa. S'il parvient à convaincre l'opinion publique que «l'autonomie fiscale» est préservée, le gouvernement Couillard ira volontiers dans cette direction, un choix politiquement délicat.

Bon nombre des recommandations du rapport Robillard étaient validées à l'avance par le gouvernement. «Disons qu'on n'a pas eu beaucoup de surprises lors de la publication», résume-t-on dans les officines.

Regroupement des services en région

Autre recommandation du rapport Robillard, Québec s'attaquera à une réduction des points de service en région. Les bureaux des différents ministères et organismes seront regroupés dans un seul point de service, selon le plan expliqué à ses collègues par le sous-ministre de l'Emploi, Bernard Matte.

Le réseau des centres locaux d'emploi, sous la responsabilité de Sam Hamad, est le mieux placé pour servir de squelette aux regroupements. Le ministre Hamad planche depuis quelques semaines sur une ambitieuse réforme qui aura des répercussions en région.

Société des alcools: plus d'efficacité d'abord

À la Société des alcools du Québec (SAQ), le gouvernement a «une volonté forte de revoir le modèle d'affaires», d'imposer plus d'efficacité à l'organisme. La fin du monopole est étudiée par le gouvernement, mais il ne pourra survenir à court terme. La société d'État affirme qu'elle donne toujours plus d'argent au gouvernement mais, observe-t-on, il en coûte toujours davantage en frais d'administration.

Le rapport de Lucienne Robillard proposait de réduire la marge de profit de la SAQ pour combler l'espace par une hausse de taxe. Le résultat serait neutre pour le consommateur, mais la société d'État se verrait forcée d'être plus performante. Les bonis des cadres seront désormais liés à l'atteinte des nouveaux objectifs d'efficacité à la SAQ.

Négos: pas de loi spéciale pour l'instant

Pas question de décréter les conditions de travail des employés, puisque les négociations progressent, surtout du côté du réseau de la santé, explique-t-on. Le Conseil des ministres extraordinaire sera l'occasion de faire le point. Le gouvernement ne peut décider quoi que ce soit sans tenir compte des négociations en cours - les salaires du secteur public comptent pour 60% de ses dépenses.

Le ministre Coiteux a dit récemment que l'heure n'était pas au décret. L'enjeu des négociations est de taille: Québec vise des économies de 689 millions pour cette année financière. Le gouvernement sent que le contexte actuel ne se prête pas à déposer une loi spéciale. «Il faudrait que ça brasse dans la population, et on ne le sent pas à ce stade», affirme-t-on.