Pour l'ancien premier ministre Bernard Landry, Guy Chevrette aurait pu être le champion de la paix des Braves avec les autochtones, s'il l'avait voulu. Mais le ministre des Transports a préféré tirer sa révérence au lieu d'accepter les offres qu'on lui avait faites.

Dans un livre à paraître la semaine prochaine, Guy Chevrette revient sur sa longue carrière politique, qui s'est terminée abruptement quand, au début de 2002, il ne s'est vu offrir que des miettes dans un remaniement ministériel du premier ministre Bernard Landry.

Une sorte de trahison, raconte, sur un rythme haletant, sa biographe, ex-collaboratrice et ex-conjointe de M. Chevrette. Shirley Bishop tient un journal détaillé de ces heures intenses où les carrières politiques se jouent, derrière les portes closes. Guy Chevrette - Dans l'enceinte du pouvoir rompt avec la tradition des biographies linéaires, où le sujet fait un rappel chronologique de ses expériences.

Joint chez lui vendredi, M. Landry souligne ne pas avoir encore pris connaissance de l'ouvrage. Mais il minimise les tensions survenues à l'époque avec M. Chevrette. «Il aurait pu être l'instigateur de la paix des Braves, il connaissait bien le dossier; on ne peut refaire l'histoire, il n'a pas voulu; c'est son choix!

«Je lui ai proposé de devenir un promoteur de la souveraineté, c'est important, poursuit Landry. Cela illustre la confiance que j'ai pour lui. Si j'avais souhaité son départ, je ne lui aurais pas fait ces offres. J'espère qu'il n'est pas amer, moi je ne le suis pas. Je l'ai soutenu quand il a eu des problèmes de santé, quand il a été malmené par la commission Charbonneau», souligne M. Landry.

«La politique est dure»

«J'ai voulu montrer la dureté de la politique. Yves Bolduc, qui vient de démissionner, pourrait probablement raconter une histoire semblable. La politique est dure, mais procure aussi d'immenses satisfactions», explique Mme Bishop, ex-attachée de presse, devenue par la suite directrice des communications au cabinet de Pauline Marois.

Surtout, on y illustre le monde bien particulier des politiciens, où les silences, les regards fuyants, les poignées de mains sont longuement analysés et prennent un sens. Le microcosme des cabinets politiques où des gens au curriculum vitae souvent enviable acceptent de sacrifier leur temps sans obtenir de sécurité en retour.

La vie de chantier

Bishop relate d'une main ferme le parcours du jeune de Saint-Côme, petit village forestier de Lanaudière.

«Nous n'avions ni électricité, ni téléphone, ni téléviseur», le décor est dressé. Tout jeune, il constate la dureté de la vie de chantier. Il aura la chance de faire des études, de devenir enseignant puis syndicaliste apprécié, enfin membre de la commission Cliche sur le crime organisé. Sa carrière est lancée.

Plébiscité dans Joliette, Chevrette devient whip puis ministre sous René Lévesque, il est aux premières loges des crises du PQ. C'est lui qui lit en Chambre la lettre de démission de Claude Charron, à la place de son voisin de banquette, le député sortant de Saint-Jacques, étouffé par ses larmes.

Les heures tragiques du départ de René Lévesque et celles, fébriles, de la démission de Pierre Marc Johnson: rien n'a échappé à cet observateur, devenu passablement impartial, à 75 ans. Il sera aux premiers rangs sous Jacques Parizeau de même que durant le règne de Lucien Bouchard. Jusqu'à ce que Bernard Landry décide de rebrasser les cartes.