Analyse. On est loin ici du slopestyle de Sotchi. On serait plus près des figures imposées au patinage artistique. Reste qu'après deux tours de piste, on peut constater que le concurrent Philippe Couillard a offert une solide performance à l'Assemblée nationale.

Et, visiblement consciente de l'importance de l'enjeu - il n'y aura probablement qu'une demi-douzaine de périodes de questions au Salon bleu avant le déclenchement des élections générales -, Pauline Marois se fait bien plus combative. On est loin de l'éclat des Jeux olympiques, mais force est de constater que l'affrontement quotidien des deux chefs à l'Assemblée nationale a gagné en qualité et en intensité.

Tous les regards se sont tournés mardi vers Philippe Couillard: il faisait son retour à l'Assemblée nationale. La journée a bien mal commencé. Les déclarations embarrassantes de son député Henri-François Gautrin, qui prédisait une victoire péquiste, l'attention canalisée par Fatima Houda-Pepin, autant de cailloux dans le soulier du chef libéral en cette journée déterminante. Ces problèmes ont un peu occulté sa prestation. Or, mardi comme hier, il est parvenu à maintenir la barre haute avec des interventions mesurées, incisives sans être agressives, même s'il devait fréquemment consulter ses notes. Même ses détracteurs chez les libéraux reconnaissent qu'il a été «rassurant», avec des formules simples, sans effets de toge. On était loin du «Philippe-flop» et de l'ami du controversé Dr Arthur Porter.

On constate que la recette est simple quand on prête attention à ses interventions. Souvent accusé d'être trop cérébral, il multiplie les exemples proches des citoyens ordinaires, justifie ses questions par leurs préoccupations. «Dans les familles qui nous écoutent, c'est normal de faire le point chaque année sur l'état des lieux de nos finances», a-t-il lancé mardi pour réclamer que Mme Marois s'engage à déposer un budget. Même ficelle hier: la dette du Québec est sous surveillance chez les agences de crédit américaines. «C'est l'équivalent du gérant de banque qui vous téléphone et vous dit: «Viens me voir, je voudrais te parler de ton prêt.» En général, ce n'est pas une bonne journée!» Son coup de revers peut être cinglant, lui aussi. Quand Pauline Marois a tenté de l'empêtrer à nouveau sur le déficit des prochaines années, en lui demandant quel était son plan de match, il a répliqué sans hésiter: «La première ministre pourra poser des questions quand elle sera de retour de ce côté de la Chambre!» Il est revenu à la charge avec une question sur les problèmes de la forestière Résolu, a rappelé ses rencontres avec les travailleurs dans son fief de Saint-Félicien.

Pauline d'attaque

Manifestement, Pauline Marois prend plus au sérieux cet adversaire que son prédécesseur, Jean-Marc Fournier, aux interventions aussi rudes que prévisibles. Nouvelles lunettes plus modernes, moins design. Des réflexes plus aiguisés, surtout. Sur Résolu, Mme Marois a tôt fait de répliquer que les problèmes avaient un impact dans bien des régions québécoises, y compris sa circonscription de Charlevoix. Elle a même saisi la balle au bond pour attaquer le budget Flaherty, qui, la veille, annonçait 500 millions de plus pour l'industrie automobile ontarienne, «alors qu'il n'en met même pas 90 dans la forêt». «C'est notre argent qu'on envoie à Ottawa puis qui s'en va ailleurs au lieu de revenir chez nous!», a-t-elle lancé. Même réplique sans appel sur les inquiétudes des agences new-yorkaises. Si l'une d'elles a mis le Québec sous surveillance, cinq ont confirmé la cote du gouvernement, sur le marché de l'emprunt. Les obligations du Québec, «ça part comme des petits pains chauds. Ils doivent avoir confiance!», a dit Mme Marois. Les arguments ne sont pas nouveaux, mais à l'évidence, Mme Marois avait préparé ses répliques, élagué les chiffres trop techniques pour en lancer d'autres plus frappants. «Nous sommes sortis de dix ans de ténèbres du gouvernement libéral», a-t-elle assené.

Bien sûr, on a eu droit à quelques faux pas: ses paroles ont probablement dépassé sa pensée quand elle a déclaré qu'il n'y aurait pas d'élections «dans les prochaines semaines». Elle a fait abstraction de son statut de première ministre quand elle a pris la peine de répliquer à Lise Thériault, devenue déterreuse de scandales: «Je n'ai jamais rien demandé à Michel Arsenault!» Elle a aussi usé de raccourcis quand elle a demandé à François Legault s'il était «contre les Gaspésiens» parce qu'il posait des questions sur la nouvelle cimenterie de Port-Daniel, grassement subventionnée par Québec.