Craignant les débordements, le ministre Bernard Drainville annule sa participation à un débat sur la Charte des valeurs à l'université Concordia, qui doit se tenir ce midi.

«La raison est simple, a expliqué M. Drainville. Il y a des risques de débordements et moi, je veux que ce débat continue de se tenir de façon calme et respectueuse. La décision responsable, c'est de ne pas y aller.»

Une organisation militante reliée à l'institution voulait mettre sur pied un comité d'accueil pour le ministre qui pilote le dossier de la Charte de la laïcité. Les manifestants sont d'ailleurs arrivés sur place et attendent le début de l'événement.

«Il y a un groupe qui dit ouvertement qu'il prépare un comité d'accueil et qu'il refuse de s'engager à ne pas perturber le débat», a regretté M. Drainville.  

A-t-il craint pour sa propre sécurité? «Disons qu'il y avait un enjeu de sécurité», a-t-il prudemment répondu en anglais, en précisant que le gouvernement ne dévoile pas les menaces de sécurité.

 

L'université déplore cette décision du ministre estimant avoir fait tout ce qu'elle pouvait faire. «Le ministre nous a demandé de garantir le bon déroulement de l'activité. On ne pouvait pas garantir que rien ne viendrait bouleverser le déroulement, comme pour n'importe quel événement», affirme la porte-parole Christine Mota. 

«Quand on a un événement, on fait toujours une analyse (sur la sécurité). On a travaillé dès qu'on a été informés de l'événement. On a fait tout ce qu'on pouvait. L'université regrette que ses étudiants soient privés d'entendre le point de vue de M. Drainville», a dit Mme Mota.

«Voici la menace à la sécurité!», a ironisé Jaggi Singh, membre du Groupe de recherche d'intérêt public (GRIP), en désignant les quelques manifestants sur place qui portent une banderole à l'extérieur de la salle où se tiendra le débat.

«La charte est xénophobe et raciste et Bernard Drainville a fait prendre un virage horrible à la société québécoise. Nous lui aurions posé ces questions de façon insistante, évidemment», ajoute Jaggi Singh.

«Les craintes du ministre ne sont pas fondées. On est à l'université. Parfois les débats sont difficiles. Les gens ici auraient présenté des arguments beaucoup plus musclés que ceux auxquels M. Drainville répond d'habitude», dit Christina Xydous, porte-parole du GRIP.

«Cette annulation en dit long sur la capacité du Parti Québécois à défendre la charte dans un milieu où le consensus est plutôt contre ce projet. Ils sont frileux», ajoute Christina Xydous. 

Impossible de débattre

Le ministre responsable des Institutions démocratiques devait participer à ce débat sur le projet de loi 60 aux côtés de la députée libérale Kathleen Weil et d'André Frappier, ancien président de Québec solidaire.

M. Drainville dit avoir aussi pris sa décision en pensant aux étudiants et aux autres panélistes qui ne pourront pas débattre sereinement.

Il y a quelques jours, un débat sur la charte a dérapé à l'UQAM. Le député de Québec solidaire Amir Khadir a notamment dû quitter la salle. 

M. Drainville assure que malgré «quelques événements disgracieux», le débat se déroule «plutôt bien». «J'ai fait plusieurs présentations dans des cégeps et universités pour la charte, et on n'a jamais vu un risque de débordement (comme à Concordia)», dit-il.

Il a notamment donné une conférence en octobre à l'université Laval, qui s'était déroulée sereinement, à l'exception d'un chahuteur. 

Le GRIP crie à la xénophobie

Le Groupe de recherche d'intérêt public du Québec (GRIP) à Concordia, qui organisait l'événement, a lancé de virulentes critiques contre le projet péquiste. «Opposons-nous à cette charte xénophobe», lit-on sur leurs tracts.

Le GRIP se défend en disant vouloir exercer son droit de parole.  «Tout ce qu'on a fait, c'est lancer un appel au rassemblement. Si ça, c'est un problème de sécurité... Ça veut dire que les gens n'ont pas le droit d'exprimer un point de vue. Je trouve ça désolant», a dit Christina Xydous.

«Les seuls qui ont interrompu un débat, à date, c'était à l'UQAM où des représentants de QS et de la FFQ ont dû partir parce qu'ils se faisaient huer par une salle pro-charte. On n'a donné aucune consigne d'interrompre ou de huer M. Drainville. On a appelé à un rassemblement en dehors de la salle, c'est tout», a-t-elle ajouté.

En entrevue avec La Presse Canadienne hier, le militant Jaggi Singh a promis de dénoncer la charte, qu'il qualifie de «xénophobe».

«On sait très bien que beaucoup de monde n'aime pas utiliser ce mot en décrivant la charte, mais c'est clair que Bernard Drainville, Pauline Marois et le gouvernement du Parti québécois ont instrumentalisé les fausses peurs (...) pour un calcul électoral», a-t-il lancé au bout du fil.

Il a refusé de préciser si l'objectif du rassemblement était de perturber la tenue de l'événement, organisé par l'Association étudiante des cycles supérieurs de Concordia (GSA).

-Avec La Presse Canadienne