Depuis le début de la course à la succession de Jean Charest, Philippe Couillard a perdu des appuis chez les militants, estime son adversaire Pierre Moreau. L'attitude «autoritaire» et «dirigiste» de l'ancien ministre de la Santé aurait refroidi bien des libéraux, pour qui le temps des débats en profondeur est arrivé.

En entrevue à la table éditoriale de La Presse, Pierre Moreau se frotte les mains, convaincu d'avoir offert aux militants ce qu'ils souhaitaient: un vent de fraîcheur. «Je n'ai pas entendu d'idées nouvelles ailleurs», avance-t-il, convaincu d'une montée de ses appuis depuis le début des affrontements dominicaux devant les militants. Manifestement, il est content des quatre débats, au cours desquels il a pu, avec des propositions souvent plus ramassées que les engagements de ses adversaires, capter l'attention des médias.

Ironiquement, tout en se défendant de verser dans les attaques personnelles, il déplore le ton acerbe adopté par Raymond Bachand qui, depuis quelques jours, attaque l'intégrité de Philippe Couillard, «partenaire» du Dr Arthur Porter - ancien patron du Centre universitaire de santé McGill, en cavale dans les Caraïbes, que les enquêteurs de la Sûreté du Québec aimeraient interroger.

«Ce n'est pas ce que souhaitent les militants», résume M. Moreau, avant d'y aller aussi d'attaques à l'endroit du meneur présumé de la course.

Mais l'appel à la trêve lancé mardi par le chef intérimaire Jean-Marc Fournier ne semble pas avoir porté ses fruits.

Pierre Moreau vise en effet clairement son ex-collègue Philippe Couillard. Ce dernier «s'est fait beaucoup mal» en refusant d'emblée de débattre de l'avenir de l'enseignement collégial. «Comme par réflexe, il a refusé le débat en matière d'éducation. Ce n'est pas un leadership d'ouverture, mais de dirigisme. Ce que les militants veulent, ce n'est pas un chef qui dit: «vous pouvez parler de cela, mais pas de cela». Sur cette question, il a paru assez autoritaire», observe M. Moreau. «Je n'aimerais pas avoir un chef qui dit: «voici la liste des choses dont vous pouvez ou ne pouvez pas débattre»», laisse-t-il tomber.

Sur les questions d'intégrité, Philippe Couillard «a proposé un code d'éthique pour le PLQ. Mauvaise nouvelle, il y en a déjà un! Cela illustre sa méconnaissance du parti», ajoute M. Moreau. Revenu après une éclipse de quatre ans de la vie politique, Philippe Couillard parle d'un «ressourcement», mais les militants n'y croient pas, selon M. Moreau. «Il est aussi associé que Raymond ou moi au gouvernement Charest. L'absence de Philippe Couillard n'est pas vue comme du renouveau par les militants. Ce qu'il appelle son ressourcement n'a pas amené une idée nouvelle.»

La proximité momentanée de Philippe Couillard avec Arthur Porter - ils ont fondé ensemble une firme de consultation qui n'a jamais eu de mandat - soulève aussi des questions chez Pierre Moreau. «Je n'ai aucun doute sur l'intégrité de Philippe Couillard, mais dans le cynisme ambiant, c'est clair que c'est un élément qui peut soulever des questions», soutient-il. Son départ en 2008 pour le secteur privé avait aussi entraîné des critiques - on l'avait accusé d'avoir négocié son emploi alors qu'il était encore ministre de la Santé. «Les libéraux devront tenir compte, mettre dans leur calcul quelle sera la perception de l'électorat à l'égard du prochain chef, sur l'ensemble de ces questions», observe Pierre Moreau.

Raymond Bachand

En ce qui concerne Raymond Bachand, Pierre Moreau trouverait «malheureux» que l'ex-titulaire des Finances quitte la vie publique. En entrevue à La Presse, l'ex-ministre des Finances a prévenu sans détour qu'il aurait «une décision personnelle à prendre» s'il n'était pas choisi le 17 mars.

«Il laisse peu de place à l'interprétation, je souhaite qu'il change d'idée. C'est un mauvais message à lancer: je gagne ou je m'en vais! Je ne pense pas que les choses doivent se faire comme ça... et j'espère qu'il va revenir sur ses paroles, on a besoin d'un gars comme lui au PLQ», observe Pierre Moreau. M. Bachand aura choisi le mauvais cheval en axant sa campagne sur l'économie. «C'est ce qu'on proposait aux élections et les gens ont dit que ce n'était pas assez, le 4 septembre!»

Il avoue qu'il ne comprend pas que l'ex-ministre des Finances ait insinué que les équipes s'étaient entendues et qu'un message avait été transmis au clan Couillard pour ne pas soulever de questions sur l'intégrité. «Je ne sais pas de quoi il parle.»

M. Couillard peut, comme il l'a fait, affirmer que le gouvernement Charest a trop tardé avant de déclencher la commission Charbonneau, mais ce sont «des propos de gérant d'estrade», résume-t-il. En revanche, il se rappelle «l'expérience honteuse» d'un conseil général muet quand le militant Martin Drapeau, seul, avait demandé la tenue d'une enquête sur la construction, «parce que le parti s'était coupé des débats», explique-t-il.