Le premier ministre Jean Charest a dû admettre son impuissance à destituer son ex-ministre Tony Tomassi, aujourd'hui député indépendant de Lafontaine, qui fait face à trois accusations criminelles de fraude et d'abus de confiance.

Commentant pour la première fois le dossier de M. Tomassi, le premier ministre a reconnu jeudi que les accusations à l'endroit de ce dernier étaient graves, mais a rappelé qu'il avait des droits, tout en évitant de faire référence à la présomption d'innocence.

«Tout ça est très sérieux. (...) Le minimum que nous devons - et c'est important de respecter les droits de chacun - c'est d'offrir à M. Tomassi l'occasion de se présenter devant le tribunal et de se défendre et le reste, c'est à la justice de déterminer la suite des choses», a indiqué M. Charest.

Jouant de prudence, le premier ministre a cependant évité d'admettre que les événements pourraient ternir l'image du Parti libéral du Québec, rappelant que c'est lui-même qui avait demandé à M. Tomassi de démissionner de son poste de ministre et de quitter le caucus libéral lorsque les faits ayant mené aux accusations ont été portés à sa connaissance.

M. Charest, qui participait à la cérémonie de première pelletée de terre pour la construction du futur hôpital Shriners pour enfants, à Montréal, a par ailleurs indiqué que des «discussions à l'interne» étaient toujours en cours quant à la manière dont son gouvernement allait s'attaquer à l'épineux problème de la collusion et de la corruption dans le domaine de la construction.

Faisant référence aux propos de la mairesse de l'arrondissement de Rivière-des-Prairies, Chantal Rouleau, dont la sortie publique a fait grand bruit récemment, le premier ministre Charest a ouvert la porte à une révision des lois qui gouvernent l'octroi de contrats dans le monde municipal.

«Dans le monde municipal, ce qu'on nous dit maintenant depuis quelques jours c'est que les marges de manoeuvre prévues dans la loi sont trop serrées ou difficilement applicables. Si c'est le cas, le gouvernement va examiner cette question avec le monde municipal. On ne laissera pas ça en plan et ça mérite un examen pour qu'on puisse s'assurer que, dans le monde municipal, les gens ont les marges de manoeuvre pour prendre les meilleures décisions possible pour leurs citoyens», a assuré le premier ministre.

Dans une lettre ouverte, la mairesse Rouleau a publiquement dénoncé la collusion érigée selon elle en système à Montréal, dénoncé l'incapacité des élus municipaux de la contrer en vertu des règles actuelles et réclamé à son tour une enquête publique sur l'industrie de la construction.

L'Union des municipalités du Québec (UMQ) a joint sa voix à cet appel. Dans un communiqué diffusé en milieu de journée, le président de l'UMQ et maire de Rimouski, Éric Forest, a insisté auprès du ministre des Affaires municipales, Laurent Lessard, sur la nécessité d'inclure dans le projet de loi 30 présentement à l'étude des modifications majeures «pour donner aux élus municipaux un contexte législatif mieux adapté pour contrer la collusion».

Il a réitéré du même souffle la demande d'enquête publique sur l'industrie de la construction.

À ce sujet, Jean Charest a répété la position qu'il défend depuis quelque temps, soit de dire que la démarche de son gouvernement pour contrer la collusion et la corruption devrait respecter certaines balises.

«Nous allons le faire en fonction de trois critères, soit de ne pas mettre en péril les enquêtes policières et la preuve, deuxièmement ne pas mettre en péril la possibilité de déposer des accusations là où on doit accuser les gens et les emmener devant les tribunaux - ça vaut pour tout le monde sans exception au Québec -, troisièmement, on veut protéger les témoins», a dit le premier ministre.

Ce n'était pas la première fois que le premier ministre évoquait ces critères qui, s'ils devaient être appliqués à la lettre, excluraient la possibilité d'une commission d'enquête publique selon les paramètres habituels.