La crise alimentaire au Nunavik, provoquée par la fin d'un programme fédéral, pourrait s'aggraver avec la fin d'une subvention du gouvernement Charest le 31 mars, dénonce le Parti québécois. Le ministre responsable des Affaires autochtones, Geoffrey Kelley, est incapable de garantir le renouvellement de la subvention.

Comme La Presse l'a révélé la semaine dernière, Ottawa a mis fin à un programme de financement du transport des denrées non périssables vers le Grand Nord. Les prix ont explosé depuis: un contenant de 1,36 L de jus de tomate se vend maintenant 8,51$ à Kuujjuaq, par exemple. Ottawa a mis sur pied un nouveau programme qui ne finance l'envoi que des «aliments périssables les plus nutritifs», comme les fruits et les légumes.

À compter du 1er avril, Postes Canada cessera d'acheminer des aliments dans le Nord pour le compte du gouvernement fédéral. Les détaillants devront faire venir eux-mêmes les denrées par avion ou par bateau. Une nouvelle flambée des prix est appréhendée.

Ce n'est pas tout: le programme alimentaire pour le Nunavik, lancé par le gouvernement québécois en 2007 au coût de 9 millions de dollars, doit se terminer le 31 mars. Il permet notamment de réduire de 20% le prix de certains produits de base comme le lait et les oeufs. «Le gouvernement n'a donné aucun signal» quant à l'avenir de ce programme, a déploré le député péquiste d'Ungava, Luc Ferland, en conférence de presse hier. Il a souligné que les prix risquent d'exploser encore. À Kuujjuaq, 16 l de lait 2% et 20 kg de farine coûtent déjà 73,08$ et 103,72$ respectivement, cinq fois plus cher que dans le sud du Québec, a-t-il indiqué.

En conférence de presse, le ministre Kelley est resté vague sur l'avenir du programme alimentaire pour le Nunavik. «On est en train d'en discuter avec le Conseil du Trésor. On a bon espoir de le renouveler, mais il n'y a pas de décision encore», a-t-il dit. Selon lui, la crise provoquée par la décision d'Ottawa est «inacceptable». «De toute évidence, il y a de l'improvisation» au fédéral. «Il faut prendre un temps d'arrêt et évaluer l'impact des décisions», a ajouté le ministre, qui a souligné qu'Ottawa s'est dit prêt à modifier son nouveau programme.

Le PQ estime que, alors que le gouvernement Charest «fait miroiter un plan révolutionnaire» (le Plan Nord) pour la mise en valeur des territoires nordiques, il se met «la tête dans le sable au sujet de la crise sociale» au Nunavik.

«Ce n'est pas vrai qu'on va développer ce territoire-là, les mines entre autres, pour enrichir des entreprises privées, des actionnaires, au détriment d'une population qui a des besoins immenses en termes de logement, en termes d'accès à de la nourriture à des prix abordables», a lancé Luc Ferland.

Son collègue Alexandre Cloutier, critique en matière d'affaires autochtones, a ajouté que le gouvernement a annoncé la construction de 300 logements sociaux en 5 ans alors que le Nord en a besoin d'un millier. Le PQ rappelle que la crise sociale au Nunavik est majeure: l'espérance de vie chez les Inuits a diminué pour s'établir à 62 ans, les signalements à la DPJ sont en hausse et le taux de suicide y est le plus élevé au Québec.

Geoffrey Kelley estime pour sa part que l'opposition est «alarmiste». Des logements sociaux supplémentaires seront annoncés au moment du dévoilement du Plan Nord, ce mois-ci, a-t-il souligné. Il a rappelé que le gouvernement a fait passer de 100 à 160 millions le budget annuel de l'agence de la santé et des services sociaux du Nunavik.