Jean Charest ne voit pas de problème à ce qu'un acteur important du financement du Parti libéral rencontre régulièrement la responsable des nominations au cabinet du premier ministre.

On s'attendait à une collision. Il n'y en a pas eu, et Jean Charest est sorti indemne du contre-interrogatoire du procureur de Marc Bellemare, à la commission Bastarache, Me Jean-François Bertrand.

Quelques coups plus durs seulement en toute fin de témoignage, Me Bertrand a demandé à Jean Charest s'il était redevable aux Charles Rondeau et Franco Fava pour la tranche de 75 000$ de salaire que lui verse chaque année le Parti libéral. Imperturbable, M. Charest a rappelé que plus de 20 000 personnes contribuaient au PLQ chaque année.

Me Bertrand a aussi souligné que des premiers ministres avaient jugé opportun de ne pas prendre part aux échanges quand leur conseil des ministres avait à définir le mandat d'une commission d'enquête où devrait témoigner le chef du gouvernement.

Mais le jeune procureur, agressif jusqu'ici, paraissait avoir épuisé ses munitions. Un échange fait sourire: Me Bertrand se défend de vouloir piéger son témoin. «Je ne vais nulle part», assure-t-il. «Je vois bien ça», réplique du tac au tac M. Charest.

Mais surtout, le procureur Bertrand a longtemps frappé sur le même clou; le premier ministre peut-il accepter que sa responsable des nominations voie chaque semaine l'un des principaux financiers du Parti libéral du Québec, Charles Rondeau pour discuter des gens à nommer? «Combien de gens ont été pistonnés?» a demandé le jeune avocat.

Jean Charest, «à l'aise» devant ces rencontres dont il ignorait l'existence à l'époque, a réitéré sa confiance «dans l'intégrité et la qualité du travail» de Chantal Landry qui doit témoigner à la commission lundi prochain. Selon le registre du bureau du premier ministre, Charles Rondeau avait rencontré Mme Landry plus de 20 fois dans les premiers six mois du gouvernement Charest, une fois par semaine, essentiellement pour l'aider à constituer des «banques de données» des noms de gens à nommer dans les sociétés d'État et sur les conseils d'administration. Cette première année au pouvoir, le gouvernement avait procédé à 800 nominations, plus de 65% avaient été des renouvellements, a-t-il souligné.

Des flèches

Comme il l'avait fait la veille, M. Charest a au passage décoché quelques flèches à l'endroit de Marc Bellemare, son ancien ministre de la Justice. «On peut faire son possible et être à côté de la plaque», a-t-il lancé.

«Quand M. Bellemare quitte, on a assez de peine, c'est un échec pour lui. Il a même dit que la politique n'est pas faite pour lui», a rappelé M. Charest. Me Bellemare a gardé contact avec le premier ministre. «En 2007, il m'appelle parce qu'il y a un Congrès eucharistique à Québec et il veut lancer une pétition pour convaincre le pape de venir. Ma relation personnelle avec lui n'est pas mauvaise, a-t-il illustré. Je n'ai pas d'agenda contre lui, je ne veux pas lui faire de mal.»

Mais M. Charest n'a pu s'empêcher d'ajouter que la création de la Direction des poursuites criminelles et pénales «n'était pas étrangère au passage de M. Bellemare». Après ce ministre, le gouvernement avait senti le besoin d'avoir une direction plus indépendante des pouvoirs politiques, a-t-il expliqué.

Il faut établir une nette distinction entre les pouvoirs judiciaires et politiques. Les juges une fois nommés respectent un devoir de réserve, a insisté M. Charest.