Même si le Parti libéral souhaite des débats moins acrimonieux, la rentrée parlementaire risque de commencer par un affrontement musclé au sujet du projet de loi 103 sur les écoles passerelles.

Le nouveau leader parlementaire, Jean-Marc Fournier, n'exclut pas de recourir à la clôture des débats. «On verra quand ça arrivera, indique-t-il. Je ne suis pas en ce moment à cette étape-là.»

Il souhaite adopter la nouvelle loi d'ici au 22 octobre. Une «date fatidique», estime-t-il. La loi 104 qui interdisait les écoles passerelles deviendra alors caduque, une année après son invalidation par la Cour suprême.

«Le bâillon, ce serait épouvantable, prévient le leader de l'opposition officielle, Stéphane Bédard. Le gouvernement n'a aucune légitimité pour utiliser le bâillon, surtout sur une question aussi fondamentale.»

Depuis le début de la commission parlementaire, le projet de loi 103 n'a pas reçu un seul appui. Quelques mémoires doivent encore y être présentés. Même s'il ne semble pas vouloir l'amender, le gouvernement assure que le débat n'est pas clos. «Est-ce qu'il peut y avoir des aménagements? On verra, selon la commission», indique le ministre Fournier.

Les libéraux qualifient leur position d'équilibre «entre deux extrêmes»: le Parti québécois qui veut étendre la Charte de la langue française aux écoles privées, et la communauté anglophone qui souhaite plus de flexibilité pour les parents.

Si le gouvernement veut respecter l'échéance du 22 octobre, il lui reste seulement un mois pour terminer la commission parlementaire, faire l'étude détaillée de la loi et l'adopter.

«C'est irréaliste», croit Stéphane Bédard. Le député péquiste estime que le gouvernement s'est placé dans une position intenable: adopter une loi «sans consultation adéquate» ou attendre et laisser un «mégatrou» avec la disparition de la loi 104. «Les libéraux sont dans un catch-22, et c'est leur faute. Après s'être traîné les pattes depuis plusieurs mois, ils plaident maintenant l'urgence. Mais on ne peut pas plaider l'urgence à cause de sa propre incompétence», tonne-t-il.

Passion et respect

Jean-Marc Fournier était leader parlementaire sous le gouvernement Charest minoritaire. Sa pugnacité exaspérait Michel Bissonnet, assez pour inciter le président de l'Assemblée à quitter son poste. M. Fournier souhaite aujourd'hui que les échanges soient moins venimeux. «C'est possible d'être passionné et d'être respectueux en même temps», explique-t-il à la veille de la rentrée. Inquiet du cynisme ambiant, le premier ministre Charest avait déjà exprimé le même souhait.

Le ton des échanges n'est pas ce qui préoccupe le plus Stéphane Bédard. Contrairement à M. Charest, il n'a fait aucun mea-culpa. Changera-t-il de ton? «On n'arrêtera pas de poser des questions», se contente-t-il de répondre. Il ajoute: «Si le gouvernement voulait un changement de ton, il aurait écouté la population», en référence au dossier du gaz de schiste, au projet de loi 103 et à l'enquête publique sur la construction que les libéraux refusent de lancer, même si 78% des Québécois la réclament encore, selon un sondage Léger Marketing-Le Devoir publié hier.

Pour la nouvelle session parlementaire, les libéraux se donnent trois priorités: l'économie, l'éthique et l'identité. Parmi le menu législatif: loi sur la laïcité ouverte, abolition de l'Agence du revenu et d'autres organismes, encadrement plus serré du financement des partis, interdiction des prête-noms et modification de la Loi sur les mines.

L'opposition officielle continuera de réclamer une enquête publique sur l'industrie de la construction. Elle parlera aussi beaucoup des ressources naturelles et du gaz de schiste. «Ce sera la grande question de l'automne, annonce Stéphane Bédard. Si les libéraux ne s'en rendent pas compte, ils vivent dans un monde parallèle.»