C'était la pagaille, hier, à l'Assemblée nationale. L'acrimonie des débats sur l'intégrité des élus et le financement des partis politiques a fait dérailler les échanges entre Jean Charest et Pauline Marois.

La chef péquiste a mis le premier ministre Charest en contradiction avec son ancien ministre de la Justice Marc Bellemare. Ce dernier soutient publiquement qu'il a des choses à dire sur le financement du Parti libéral. Comme ces informations sont, selon lui, susceptibles d'embarrasser le gouvernement, il réclame l'immunité d'une enquête publique pour passer à table. Après que Jean Charest eut soutenu que son ancien ministre ne lui avait jamais signalé de problème, M. Bellemare l'a de nouveau contredit publiquement. «Qui dit vrai?» a lancé Pauline Marois au cours d'une fiévreuse période des questions.

 

Pour la première fois, Jean Charest a répliqué aux dures accusations qu'avait lancées Pauline Marois le week-end dernier. La chef péquiste avait laissé entendre que M. Charest se refuse à lancer une enquête publique sur la construction parce qu'il est à la solde des donateurs libéraux qui lui versent une allocation de 75 000$ par année en plus de son salaire. «Les normes d'éthique en politique québécoise auront été baissées en fin de semaine. Cela blesse et déshonore l'ensemble de la classe politique», a répliqué M. Charest en montrant du doigt «la responsable... l'espèce de nouveau Rambo de la politique québécoise, prête à aller jusqu'au fond!»

«On est probablement dans une des pires crises qu'un gouvernement ait traversées depuis 30 ans. L'Assemblée nationale est paralysée, on a des dizaines de questions, j'aimerais parler de vaccination, de santé, de gisements pétroliers... mais toute l'attention est portée sur ces allégations, la situation très, très déplorable de l'industrie de la construction et des contrats publics», a résumé Amir Khadir, de Québec solidaire.

300 000$ au PLQ

Le premier ministre Charest a déposé une motion pour que l'Assemblée nationale demande au directeur général des élections de faire une enquête particulière sur les «révélations» de l'ex-ministre Bellemare. On a failli l'adopter, mais Amir Khadir, de Québec solidaire, a refusé son consentement. Mais le DGE, Marcel Blanchet, a tout de même envoyé une citation à comparaître à l'ancien ministre Bellemare, qui devra venir témoigner dans les prochains jours.

M. Khadir croit que seule une enquête sur le financement de l'ensemble des partis politiques serait utile. Pour appuyer son choix, il a dévoilé hier la recension préparée par ses recherchistes. En faisant la liste des donateurs issus de quatre firmes de génie-conseil de Montréal, on arrive à un total: plus de 300 000$ de contributions pour la seule année 2008.

Cima", bien placée dans la liste des fournisseurs du gouvernement, compte 37 cadres ou associés qui ont versé un total de 102 000$ au PLQ en 2008. La firme a donné 37 000$ au Parti québécois la même année.

SNC-Lavalin, qui a obtenu pour 2 millions de contrats en 2007-2008, compte 24 dirigeants qui ont contribué pour un total de 68 500$.

BPR a 31 cadres qui ont versé 66 000$ en tout, et l'entrepreneur Axor a 20 employés qui ont contribué pour 56 400$ au PLQ. M. Khadir relève que même une secrétaire a donné 3000$. On peut soutenir que «des citoyens ont des convictions très fermes», convient M. Khadir, mais même Jean Charest, Jacques Dupuis et la vice-première ministre, Nathalie Normandeau, ne versent pas plus de 800$ par année à leur propre parti, a relevé le député de Mercier. Cette étude vient «ajouter une couche à la perception qu'il y a un trafic d'influence systématique organisé pour l'obtention de contrats», a-t-il conclu.