La ministre de la Condition féminine Christine St-Pierre a déclaré, vendredi, que certains opposants à un projet de loi veulent allumer un incendie en ressuscitant le grand débat sur les accommodements raisonnables.

Mme St-Pierre a soutenu qu'il était impossible, sous peine de contrevenir à la Charte canadienne des droits et libertés, d'assurer la primauté du droit des femmes à l'égalité sur les motifs religieux.

La ministre a affirmé qu'elle avait tiré cette conclusion l'an dernier, avant l'adoption d'une modification à la Charte des droits et libertés du Québec visant à protéger les femmes de toute discrimination, une décision prise dans la foulée de la commission Bouchard-Taylor.

«On ne pouvait pas aller plus loin», a-t-elle dit lors d'un point de presse.

Cette semaine, la question des accommodements raisonnables est revenue hanter le gouvernement avec l'étude du projet de loi 16, dont l'objectif est que les ministères et organismes tiennent compte des demandes particulières formulées par les immigrants.

La chef de l'opposition, Pauline Marois, a notamment réclamé l'introduction dans la Charte québécoise d'une clause assurant la primauté du droit des femmes à l'égalité.

Parallèlement, deux exemples d'accommodements permettant à une personne d'évoquer des motifs religieux pour être servie par un fonctionnaire du même sexe, à la Société d'assurance automobile du Québec (SAAQ) et à la Régie de l'assurance maladie du Québec (RAMQ), ont été contestés.

Commentant les diverses réactions entendues cette semaine, Mme St-Pierre a affirmé que certaines personnes tentent de ranimer le débat sur les accommodements raisonnables.

«Je pense qu'il y a des gens qui aimeraient qu'il y ait un incendie, a-t-elle dit lors d'un point de presse. Il y en a qui ont des allumettes entre les mains et ils essaient d'allumer des incendies.»

Mme St-Pierre a déclaré que la ministre de l'Immigration Yolande James, qui pilote le projet de loi 16, s'assurera que les droits des femmes ne seront pas brimés par des motifs religieux, notamment grâce à l'introduction d'un amendement énumérant trois grandes valeurs de la société québécoise, soit la séparation entre l'Eglise et l'Etat, la primauté du français et l'égalité entre hommes et femmes.

«Les groupes font valoir certains éléments et ma collègue a dit (jeudi) qu'elle était ouverte à des amendements, a-t-elle dit. Alors je pense que le travail se fait de son côté.»

Concernant le cas de la SAAQ, Mme St-Pierre a affirmé que cet accommodement était motivé par une décision de la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse (CDPDJ) s'appuyant sur la Charte québécoise.

«Je crois beaucoup au travail de la commission, a-t-elle dit. C'est un tribunal, une instance importante. Elle s'est d'ailleurs inspirée des changements qu'on a faits à la Charte québécoise des droits et libertés. Alors le législateur a légiféré et les tribunaux interprètent. Mais c'est bien, bien clair qu'il ne faut jamais que ça entrave l'égalité entre les hommes et les femmes.»

Cette semaine, à l'occasion d'une commission parlementaire étudiant le projet de loi 16, le Conseil du statut de la femme (CSF) et le Syndicat de la fonction publique du Québec (SFPQ) ont carrément réclamé son retrait, craignant que les femmes puissent être l'objet de discrimination.

Durant les travaux, le CSF s'est inquiété que la législation ouvre la porte à des situations comme à la SAAQ, où un accommodement permet aux juifs hassidiques d'être évalués par un examinateur de sexe masculin.

De son côté, le SFPQ a manifesté l'intention de contester cet accommodement devant les tribunaux.

Quant à l'accommodement à la RAMQ, permettant à une personne de n'être photographiée que par un fonctionnaire du même sexe qu'elle, sa légitimité a été remise en cause par le président de la CDPDJ, Gaétan Cousineau.