La situation personnelle d'un ministre plonge dans l'embarras le premier ministre Jean Charest, qui a dû modifier les règles pour éviter qu'il se place en conflit d'intérêts.

L'identité du ministre en question n'est pas encore connue et ne le sera pas tant que le gouvernement ne rendra pas publiques les déclarations d'intérêts des ministres, ce qui pourrait prendre encore plusieurs jours.

Mercredi, lors d'un bref point de presse, le premier ministre Charest était sur la défensive, obligé de justifier le fait d'avoir modifié, le 4 mars dernier, pour la troisième fois depuis 2003, les règles d'éthique imposées aux membres du conseil exécutif.

La veille, l'opposition officielle avait dénoncé les changements effectués, y voyant un assouplissement flagrant destiné à permettre à une entreprise, propriété d'un ministre, de pouvoir continuer à transiger avec le gouvernement, incluant le ministère de cet élu.

En fait, aux yeux des trois partis d'opposition, il s'agit d'un glissement éthique inacceptable.

Mais à ceux du premier ministre, la nouvelle règle n'est pas moins rigide que la précédente, et elle ne vise qu'à tenir compte d'une nouvelle situation qu'on ne pouvait pas prévoir précédemment.

On sait que le ministre en question est propriétaire minoritaire d'une entreprise qui fait affaires ou pourrait éventuellement être appelée à transiger avec le gouvernement.

«La règle n'est pas moins sévère, elle tient compte de situations particulières», a dit M. Charest, se défendant bien de prêter flanc aux conflits d'intérêts.

«Les gens qui arrivent au conseil des ministres, ils arrivent avec une vie antérieure», a-t-il ajouté, pour justifier sa position.

Quant aux déclarations d'intérêts, elles ont été produites, mais le gouvernement procède à diverses vérifications, avant de les rendre publiques, «le plus vite possible», a promis M. Charest.

En Chambre, durant la période de questions, la chef de l'opposition officielle, Pauline Marois, a tenté en vain de le convaincre de la nécessité d'annuler la directive du 4 mars, qui est «en dessous de tout», en termes de standards éthiques, selon elle.

Le premier ministre a répliqué que les nouvelles règles se comparaient à ce qui se fait au gouvernement fédéral et en Ontario.

Mais contrairement aux autres provinces, le Québec n'a pas de commissaire à l'éthique, ni de code d'éthique. Il revient donc au premier ministre de fixer personnellement les limites à respecter en ce domaine.

Le PQ voudrait que le gouvernement revienne à la règle prévalant avant 2003, à savoir qu'à partir du moment  où un ministre possédait une entreprise («société fermée») qui traite avec l'Etat, il devait se départir de ses actions dans les 60 jours suivant sa nomination.

La situation est «tout à fait inacceptable», selon le député de Québec solidaire, Amir Khadir, qui craint de voir le gouvernement s'enfoncer «dans une forme de corruption».

Le leader de l'opposition adéquiste, Marc Picard, juge quant à lui que cette histoire «frise presque le ridicule».

«Est-ce que les nouveaux ministres vont choisir des conditions d'entrée au conseil des ministres, en disant: «moi, j'ai une situation particulière, il faudrait modifier un peu les règles'?», a-t-il fait valoir, en point de presse.

«On modifie les règles en fonction des personnes qu'on veut avoir», selon lui.