Les juges pourront décider qu'une cause qu'ils entendent est une «poursuite-bâillon», une procédure intentée par une compagnie fortunée pour contrer la démarche de citoyens touchant l'intérêt public.

En outre, même les causes actuellement à l'étude par le tribunal pourront être contestées, a indiqué hier la ministre de la Justice, Kathleen Weil, après avoir déposé à l'Assemblée nationale le projet de loi 9, «pour prévenir l'utilisation abusive des tribunaux et favoriser le respect de la liberté d'expression et la participation des citoyens au débat public».

 

Ce projet loi qui devrait être adopté avec l'appui de l'opposition, avant l'ajournement de la fin juin, est une nouvelle mouture du projet de loi 99, qui était mort au feuilleton l'automne dernier à la suite du déclenchement des élections générales.

Le nouveau projet de loi ajoute une dimension rétroactive, réclamée par les groupes de citoyens nombreux à s'être fait entendre sur le projet de loi «anti-SLAPP» (Strategic Lawsuit Against Public Participation). Une fois adoptée la loi s'appliquera aux causes judiciaires qui n'ont pas encore fait l'objet d'un jugement.

S'il observe qu'une poursuite est intentée simplement pour «intimider» un groupe de citoyens en leur faisant supporter un «lourd fardeau économique et psychologique,» le juge pourra repousser la requête. Ces recours qui durent et coûtent des fortunes en frais d'avocats servent à décourager les groupes en épuisant leurs ressources, en cassant leur détermination.

Ce phénomène, des poursuites-bâillons, est «relativement récent au Québec»; il équivaut à «restreindre sinon brimer la liberté d'expression de ces personnes et à neutraliser leur action; il s'agit d'un usage outrancier de la justice qui porte atteinte aux finalités de l'institution judiciaire», a souligné la ministre Weil. Déjà en 2006, le ministre Yvon Marcoux avait créé un comité d'experts à ce sujet. En 2008, Jacques Dupuis, le prédécesseur de Mme Weil, était venu bien près de faire adopter le projet de loi 99.

Le Québec sera la première province canadienne à adopter une telle loi; l'Ontario a annoncé récemment son intention d'aller dans le même sens. Aux États-Unis, la moitié des États sont déjà dotés d'une telle loi.