Lorsque les libéraux dévoileront mardi après-midi le dernier budget de leur mandat, les Canadiens doivent s'attendre à se faire dire que les années de déficit budgétaire ont renforcé l'économie du pays.

Le ministre des Finances, Bill Morneau, a promis que le budget contiendrait de l'aide pour les travailleurs en besoin de formation professionnelle, les jeunes cherchant à acheter leur première maison, les aînés inquiets de leurs propres finances et les patients dont le coût des médicaments est élevé.

Kevin Page, l'ancien directeur parlementaire du budget, a affirmé que ce « budget électoral » servirait assurément de « véhicule de communication » pour le gouvernement de Justin Trudeau.

La probabilité que les libéraux utilisent le budget pour vendre leur propre bilan soulève toutefois une question : qu'est-ce qui est à l'origine de la forte croissance économique au Canada ?

Le nombre d'emplois créés est élevé et le taux de chômage a presque atteint son plus bas niveau en 40 ans. Selon un récent rapport de Statistique Canada, en 2017, moins de Canadiens vivent en deçà du seuil officiel de pauvreté qu'à n'importe quel moment dans la dernière décennie. L'organisme fédéral a expliqué cette baisse par la combinaison d'une économie plus forte et des allocations familiales plus généreuses des libéraux.

Le Canada a connu une longue période de croissance économique jusqu'aux trois derniers mois de 2018, lorsqu'elle a ralenti brusquement - et presque stagné - avec la chute des prix du pétrole. Les experts prévoient que l'économie retrouvera son élan au cours des prochains mois.

De meilleures perspectives

Même avec une fin de 2018 étonnamment faible, la situation financière d'Ottawa est meilleure que celle prévue dans la mise à jour financière de l'automne dernier.

Les experts disent que le Trésor fédéral a tiré plus de recettes fiscales que prévu. Nombreux sont ceux qui s'attendent à ce que les libéraux consacrent la plus grande partie de l'argent supplémentaire à de nouvelles promesses, comme ils l'ont fait auparavant.

Au cours des dernières années, les libéraux ont dépensé des milliards de plus que ce qu'ils avaient promis dans leur programme électoral de 2015.

Ils avaient promis d'afficher des déficits annuels ne dépassant pas 10 milliards et de rétablir l'équilibre avant 2019. Or, ils ont enregistré des déficits de plus de 18 milliards au cours de chacune des deux dernières années et n'ont proposé aucun calendrier pour équilibrer le budget. Dans leur mise à jour de novembre, les libéraux prévoyaient des déficits annuels de 18,1 et 19 milliards au cours des trois prochaines années.

Bill Morneau a souvent martelé que le plan libéral fonctionnait.

« Notre gouvernement a fait des investissements intelligents et responsables dans la classe moyenne, et les Canadiens obtiennent des résultats concrets », a déclaré M. Morneau à la Chambre des communes le mois dernier en annonçant la date du budget.

Les libéraux sont-ils responsables ?

Kevin Page s'attend à ce que les libéraux se félicitent des améliorations économiques et selon lui, ils méritent effectivement une certaine reconnaissance, notamment pour les allocations familiales et l'ambitieux plan d'infrastructures.

En même temps, le Canada a aussi été aidé par la forte croissance économique aux États-Unis et ailleurs dans le monde.

M. Page estime qu'il est difficile de savoir si les déficits des libéraux généreront vraiment de la croissance à long terme, ou s'ils n'ont fait qu'alourdir la dette avec leur plan.

« Il n'est pas nécessaire d'être en équilibre. Il n'y a rien de parfait à propos d'un chiffre zéro (de déficit) dans ce contexte », a indiqué M. Page, qui dirige maintenant l'Institut des finances publiques et de la démocratie, un groupe de réflexion à l'Université d'Ottawa.

« Cela dit, nous ajoutons au stock de dette et cela crée une instabilité potentielle et nous aurons moins de marge de manoeuvre - et les générations futures vont certainement payer des intérêts plus élevés sur la dette publique », a-t-il nuancé.

Le ministre des Finances Bill Morneau dévoilera mardi le dernier budget du mandat du gouvernement Trudeau, à seulement sept mois des élections fédérales.

Quelques enjeux à surveiller 

- Un coup de pouce à la formation professionnelle

Le gouvernement dit vouloir soutenir les travailleurs pour qu'ils s'adaptent aux besoins en constante évolution de la main-d'oeuvre. Le budget devrait contenir des mesures pour aider les Canadiens à payer leurs factures s'ils choisissent de retourner aux études pour améliorer leurs compétences ou changer de carrière. M. Morneau a également souligné qu'il souhaitait s'assurer que les travailleurs disposent de temps libres afin de pouvoir suivre cette formation. Les libéraux prévoient créer un compte d'épargne permanent pour adultes, inspiré d'un programme similaire lancé il y a quelques années à Singapour, selon une source gouvernementale, qui n'était pas autorisée à parler publiquement étant donné que le plan n'a pas été dévoilé. Le programme devrait avoir les mêmes caractéristiques que le régime enregistré d'épargne-études (REEE) du Canada, mais il visera les adultes à la mi-carrière plutôt que les jeunes. À la fin de 2017, les conseillers économiques de M. Morneau lui ont recommandé la création d'un tel programme.

- Aider la génération millénaire à acheter une maison

Le budget comprendra des mesures pour aider davantage de premiers acheteurs à entrer sur le marché immobilier à un moment où les prix sont hors de portée dans certaines régions du pays. M. Morneau veut aider particulièrement les jeunes de la génération du millénaire, qui sont maintenant âgés entre 25 et 30 ans. Le budget rendra l'achat d'une maison plus abordable grâce à une série de changements affectant l'offre, la demande et la réglementation immobilières, a confié une source gouvernementale.

- Premiers pas vers une assurance-médicaments pancanadienne

Les libéraux prévoient également aller de l'avant pour atteindre leurs deux objectifs principaux en matière d'assurance-médicaments : réduire les coûts et assurer une meilleure couverture à tous. Plus tôt ce mois-ci, un groupe consultatif a publié un rapport provisoire dans lequel il a recommandé au gouvernement fédéral de créer un nouvel organisme responsable de superviser le lancement d'un régime national d'assurance-médicaments - la première partie d'un programme beaucoup plus vaste. Le comité, dirigé par l'ancien ministre ontarien de la Santé, Eric Hoskins, a également suggéré au gouvernement fédéral d'élaborer une liste nationale de médicaments afin d'assurer une couverture uniforme dans l'ensemble du pays. Il a aussi recommandé d'investir des fonds pour recueillir de meilleures données sur les médicaments d'ordonnance. Certains ont de grands espoirs que le budget de mardi inclue une partie importante de l'assurance-médicaments, mais une source gouvernementale a signalé que tout engagement ferme n'irait pas au-delà des recommandations du rapport intérimaire.

- Quelle avenue pour l'équilibre budgétaire ?

En novembre, Bill Morneau avait prévu des déficits annuels de 18,1 milliards en 2018-2019, de 19,6 milliards en 2019-2020 et de 18,1 milliards en 2020-2021. Après 2020-2021, les déficits annuels devraient diminuer chaque année pour atteindre 11,4 milliards en 2023-2024. L'équilibre budgétaire promet d'être un élément clé de la campagne électorale d'octobre : les libéraux réclament des investissements pour améliorer la croissance à long terme et les conservateurs de l'opposition exigent un budget équilibré pour que les futures générations ne restent pas coincées avec la facture.

- De l'aide aux médias

Le gouvernement Trudeau doit présenter une mise à jour de son plan visant à soutenir le secteur du journalisme en difficulté. L'automne dernier, il a annoncé de nouveaux crédits d'impôt et incitatifs d'une valeur de 595 millions sur cinq ans. Ottawa a annoncé qu'il créerait un groupe indépendant d'experts issus du monde du journalisme pour obtenir des conseils sur les mesures du plan et l'aider à définir quels médias pourront bénéficier d'un crédit d'impôt remboursable sur les coûts de la main-d'oeuvre. Mais le gouvernement n'a pas encore nommé les membres du comité, ce qui a suscité des inquiétudes dans l'industrie, qui se préoccupe des longs délais. Un porte-parole du ministre du Patrimoine, Pablo Rodriguez, a déclaré la semaine dernière que le budget détaillerait les mesures annoncées à l'automne.