Le ministre fédéral de la Justice, David Lametti, dit se demander si le Canada ferait mieux de séparer les cabinets du procureur général et celui du ministre de la Justice à la suite de la controverse autour de la firme de génie SNC-Lavalin. L'idée bénéficie du soutien de gens qui connaissent personnellement le travail.

L'ex-ministre de la Justice qui se trouve au coeur de la tempête politique a elle-même demandé d'étudier la possibilité d'une telle séparation. Lors de son témoignage explosif devant le Comité de la justice de la Chambre des communes cette semaine, Jody Wilson-Raybould a déclaré qu'elle croyait pertinent que le comité envisage la séparation des rôles de procureur général et de ministre de la Justice.

Le ministre de la Justice appartient à l'exécutif politique et relève du premier ministre. Il doit gérer un ministère fédéral ayant d'importantes responsabilités législatives. De l'autre côté, le procureur général est une autorité juridique indépendante qui a le dernier mot sur la manière de traiter les dossiers d'accusations par le biais du Service des poursuites pénales du Canada. Il a le devoir de préserver ses décisions de toutes préoccupations partisanes.

Le fait que Mme Wilson-Raybould occupait les deux postes, comme il est de coutume au Canada, représente un enjeu majeur de la controverse visant à déterminer si Justin Trudeau et son entourage ont exercé des pressions indues afin de permettre à SNC-Lavalin d'obtenir un accord de réparation et d'éviter des poursuites pénales en lien avec des allégations de corruption.

Dans son témoignage, mercredi, Jody Wilson-Raybould a évoqué le cas du Royaume-Uni, où les deux rôles sont distincts. Les deux postes sont occupés par des élus, mais le procureur général ne siège pas au conseil des ministres.

« Les deux chapeaux que portent le ministre de la Justice et le procureur général dans notre pays sont complètement différents et je pense qu'il serait bon d'envisager de compter sur deux personnes distinctes », a déclaré l'ex-ministre libérale.

Mme Wilson-Raybould a décrit un certain nombre de réunions au cours desquelles elle et son personnel ont été pressés d'exercer l'option légale de charger la directrice des poursuites pénales, Kathleen Roussel, de négocier un accord de réparation avec SNC-Lavalin.

Le mois dernier, le greffier du Conseil privé, Michael Wernick, a déclaré au comité que ces discussions étaient parfaitement légales et ne consistaient pas des pressions indues sur la procureure générale, qui aurait été assurée à plusieurs reprises assuré par M. Trudeau que la décision définitive lui revenait.

Une version avec laquelle Mme Wilson-Raybould n'est pas d'accord, affirmant qu'elle considérait cette pression comme inappropriée, même si elle s'avérait légale.

Devant l'Empire Club de Toronto, David Lametti a déclaré que le directeur des poursuites pénales fonctionnait déjà indépendamment du ministre de la Justice et du procureur général, ce qui crée une séparation appropriée entre les affaires judiciaires et le gouvernement selon lui.

Toutefois, il reconnaît que la controverse actuelle pourrait justifier une plus grande séparation des rôles, sans préciser s'il y était lui-même favorable.

« Il y a des défis et vous devez essayer de bien différencier vos chapeaux et de savoir quand vous portez votre chapeau de ministre et quand vous devez mettre votre chapeau de procureur général, a-t-il déclaré. Il y a de bons arguments pour les scinder. »

En revanche, le ministre Lametti souligne qu'il « y a aussi 150 ans d'histoire de position commune qui a bien fonctionné au Canada. Les problèmes que nous avons connus cette semaine ne se produisent pas tout le temps et c'est peut-être une indication que le système peut fonctionner. »

L'ancien ministre conservateur de la Justice, Rob Nicholson, qui s'était déjà prononcé contre l'idée de séparer les rôles affirme maintenant avoir changé d'avis.

L'ancien ministre de la Justice et procureur général de l'Ontario, Michael Bryant, estime que la séparation des emplois pourrait résoudre les problèmes d'ingérence politique. Cependant, une indépendance complète du procureur général avec le gouvernement pourrait signifier que les changements idéologiques qui suivent un changement de gouvernement ne seraient pas reflétés dans les décisions liées aux poursuites du gouvernement.