En réaction au tragique accident de train qui a coûté la vie à trois employés du Canadien Pacifique, le ministre fédéral des Transports, Marc Garneau, a imposé par décret, vendredi, « l'obligation de mettre les freins à main lorsqu'un train s'immobilise en terrain montagneux ».

Une décision qui est en vigueur dès maintenant, et jusqu'à nouvel ordre, à toutes les compagnies ferroviaires.

Tout en soulignant que ses pensées accompagnent les proches de victimes du déraillement survenu près de Field, en Colombie-Britannique, le ministre annonce avoir nommé un observateur auprès du Bureau de la sécurité des transports du Canada chargé de le tenir informé de l'enquête en cours sur les causes de l'accident.

Un convoi à destination de Vancouver comptant 112 wagons chargés de grains était immobilisé, avec ses freins à air comprimé actionnés, sur une pente à l'est de Field, en Colombie-Britannique, lorsqu'il a commencé à rouler tout seul vers 1 h du matin, lundi.

Le convoi a ensuite dépassé largement la limite de vitesse fixée dans le secteur, avant que 99 wagons et deux locomotives ne déraillent. Il faisait autour de-20 degrés à ce moment-là dans les Rocheuses.

Le mécanicien Andrew Dockrell, le chef de train Dylan Paradis et le stagiaire Daniel Waldenberger-Bulmer ont tous perdu la vie dans l'accident.

Le froid en cause

Un récent document de la compagnie de chemin de fer impliquée dans le déraillement meurtrier de cette semaine dans les Rocheuses rappelle à quel point il est difficile de faire rouler des trains par très grands froids.

« Les conditions hivernales rigoureuses sont une réalité inévitable dans le climat nordique canadien, rappelle le document (en anglais) sur le site internet du Canadien Pacifique. L'hiver a de profondes répercussions sur les activités d'une compagnie de chemin de fer et sur sa capacité à maintenir le service pour ses clients. »

Selon le « livre blanc » du Canadien Pacifique, le froid augmente les fuites d'air dans les freins à air comprimé, ce qui entraîne une variation de la pression dans les freins entre la tête et la queue du train. Les convois sont d'ailleurs raccourcis lorsque la température descend au-dessous de-25, afin d'assurer une pression constante sur toute la longueur du train, indique le document.

Un représentant syndical a souligné que le convoi qui a déraillé lundi, avec ses 112 wagons, était plus court que les convois habituels du CP, qui comprennent 135 wagons depuis quelques années. Mais un vétéran mécanicien de train de Boston estime que pour un convoi de grains, 112 wagons, c'est un « gros convoi ».

« Nos aïeux dans le chemin de fer n'auraient jamais assemblé un convoi aussi gros dans ces conditions climatiques, et espéré ensuite qu'il n'y ait pas de problèmes », a soutenu Joe Mulligan, de l'organisme Railroad Workers United, un groupe intersyndical bénévole de cheminots d'Amérique du Nord.

Le Bureau de la sécurité des transports du Canada (BST) a déjà déterminé que le train avait été garé pendant deux heures avant de se déplacer tout seul. Les freins à main n'avaient pas été serrés, a aussi conclu le BST. Mais pour M. Mulligan, « il aurait fallu énormément de freins à main pour retenir un convoi aussi gros » ; il croit qu'il n'y avait plus rien à faire une fois le train parti à la dérive.

La compagnie de chemin de fer de Calgary indique aussi dans son « livre blanc » qu'en hiver, elle place des locomotives à différents endroits dans un convoi. Cette répartition de la puissance du train accélère ensuite la mise sous pression des freins à air comprimé. Le convoi qui a déraillé lundi comptait effectivement une locomotive en tête, au milieu et en queue.

Dans des conditions de froid extrême, des « séchoirs » sont aussi utilisés pour empêcher l'humidité de s'infiltrer dans les freins - ce qui signifie qu'il faut plus de temps pour les pressuriser et faire les vérifications de sécurité requises, indique le « livre blanc » du CP. « Cela augmente inévitablement le temps que passe le train au terminus. »

Le « livre blanc » indique également que par temps très froid, la vitesse du train devait être réduite - d'au moins 16 km/h en dessous de-25 degrés, et d'au moins 32 km/h à -35.

Will Young, mécanicien de locomotive de Kansas City et membre de « Railroad Workers United », a soutenu que le temps froid menace plusieurs composantes d'un train qui ne se brisent généralement pas. « L'acier devient tout simplement friable, les joints en caoutchouc durcissent et ne fonctionnent plus », précise-t-il.