À l'ère du libre-échange entre le Canada et l'Union européenne, le ministre fédéral des Transports Marc Garneau affirme que le gouvernement fédéral ne peut guère dicter à VIA Rail de privilégier une entreprise canadienne pour renouveler sa flotte de wagons.

La Presse a révélé mardi que VIA Rail compte octroyer sous peu un contrat de 1 milliard à l'entreprise allemande Siemens pour le renouvellement de sa flotte de trains destinée au corridor Québec-Windsor, écartant du coup l'option d'acheter ces wagons de Bombardier. L'entreprise prévoit manufacturer ses trains en Californie, alors que l'ingénierie se fera en Allemagne.

Réagissant à ces informations, le Parti libéral du Québec a invité mardi matin le gouvernement Legault à maintenir ses pressions auprès d'Ottawa pour que la société de la Couronne VIA Rail fasse «le maximum pour privilégier les emplois au niveau des travailleurs québécois».

Mais le ministre Garneau a jeté de l'eau froide sur cette option avant de participer à une réunion du cabinet. «Si vous vous référez à un commentaire que j'ai fait il y a un an quand on a lancé l'appel d'offres, c'était un appel d'offres qui pouvait aller à n'importe quelle compagnie à travers le monde», a affirmé le ministre durant une courte mêlée de presse.

«Comme vous savez, nos engagements vis-à-vis nos traités de libre-échange avec l'Europe et d'autres pays ne nous permettent pas de favoriser ou d'allouer un certain pourcentage à compagnies canadiennes. Ce sont les règles qui font partie de nos accords de libre-échange et puis c'est VIA qui est une société de la Couronne qui dirige ce projet. Il n'est pas conclu encore», a ajouté le ministre.

Le ministre a aussi déclaré: «Nous sommes responsables aux contribuables. VIA est une société de la Couronne qui est responsable pour le renouvellement de la flotte. C'est ce qu'ils sont en train de faire. L'appel d'offres est sous leur contrôle et je vous rappelle que c'est une compétition qui a été lancée à travers le monde. Nous on joue sur la planète, sur toute la planète et au fédéral nous n'avons pas le droit d'imposer des règles qui favoriseraient les compagnies canadiennes quand on croit aux traités de libre-échange.»

Il appert que Bombardier, qui participait à l'appel d'offres qui a été lancée, a été coiffée à la ligne d'arrivée. Celle-ci prévoyait entre autres réaliser l'ingénierie des trains à Saint-Bruno, puis les construire à son usine de La Pocatière.

Le NPD a vertement dénoncé la position du ministre Garneau.

«Après les pertes d'emplois chez Bombardier et chez GM, ce n'est tout simplement plus acceptable pour les citoyens que des fonds publics soient investis à coup de millards sans aucune garantie quant au contenu technologique canadien, à la création ou la sauvegarde des emplois ou au développement de nos champs d'expertise. Alors que les partenaires économiques du Canada l'exigent chez eux, il est grandement temps que le ministre des Transports assure le leadership qui s'impose», a déclaré le député Robert Aubin, porte-parole du NPD en matière de Transports.

À Québec, le premier ministre François Legault a soutenu que le gouvernement Trudeau doit exiger que les nouveaux trains de VIA Rail soient, au moins en partie, construits localement.

«Ce sont les contribuables qui, via le gouvernement fédéral, vont investir un milliard dans ce train-là, a dénoncé M. Legault. Et là, on a un gouvernement fédéral qui dit je n'exigerai pas de contenu canadien ou québécois. Ça n'a pas de bon sens.»

Le cabinet du premier ministre Legault a effectué de nombreux appels au bureau du premier ministre canadien Justin Trudeau ces derniers jours pour que VIA Rail revoie rapidement sa décision. Selon Québec, le contrat du renouvellement de la flotte du corridor Québec-Windsor devrait contenir une clause de 25% de contenu canadien. Or, en vertu du traité de libre-échange économique entre l'Europe et le Canada, mais aussi en vertu du nouvel accord de libre-échange liant le pays aux États-Unis, une telle exigence ne serait pas permise.  

- Avec Hugo Pilon-Larose et Martin Croteau