La société d'État canadienne responsable des ventes d'armes à l'étranger ne devrait pas pouvoir conclure des ententes pratiquement impossibles à révoquer avec des pays qui violent les droits de la personne, font valoir deux ONG.

Selon Project Ploughshares et Amnistie internationale, la ratification imminente du Traité des Nations unies sur le commerce des armes donne à Ottawa l'occasion de prévenir la signature d'un autre accord comme celui conclu par la Corporation commerciale canadienne avec l'Arabie saoudite en 2014, pour l'exportation de véhicules blindés légers d'une valeur de 15 milliards.

La Corporation commerciale canadienne (CCC) est un organisme fédéral qui aide les entreprises canadiennes à vendre toutes sortes de marchandises, y compris des armes, à des gouvernements étrangers.

Le gouvernement libéral de Justin Trudeau se dit lié par le contrat conclu avec l'Arabie saoudite sous le gouvernement conservateur de Stephen Harper. La facture sera salée si Ottawa déchire l'entente, prévient-on, sans pour autant préciser l'ampleur d'une éventuelle pénalité financière.

Le gouvernement révise présentement tous les futurs permis d'exportations vers l'Arabie saoudite, en réponse au meurtre du journaliste Jamal Khashoggi en octobre dernier au consulat saoudien à Istanbul, en Turquie. Le royaume arabe est également impliqué dans la guerre civile au Yémen, qui est dans l'impasse alors que les forces rebelles contrôlent une grande partie du pays.

Dans une lettre adressée à la Corporation commerciale canadienne en septembre, le ministre du Commerce international, Jim Carr, a sommé la société d'État de tenir compte des dispositions relatives aux droits de la personne dans le traité de l'ONU avant d'organiser toute future transaction.

Le Canada adhère au Traité sur le commerce des armes, mais le Parlement n'a pas encore adopté le projet de loi C-47 pour le ratifier de manière officielle.

Project Ploughshares et Amnistie estiment toutefois que l'obligation de prendre en considération le respect des droits de la personne doit être enchâssée dans la loi. Ils comptent d'ailleurs défendre cette position auprès du Comité sénatorial des affaires étrangères lors de ses audiences sur le projet de loi prévues cette semaine.

Kenneth Epps, conseiller chez Ploughshares, juge inacceptable que la CCC eût conclu un tel accord avec l'Arabie saoudite en 2014, soit plus de deux ans avant que le gouvernement libéral n'approuve les permis d'exportation.

« À notre avis, c'est procéder à l'envers. La Corporation commerciale canadienne ne devrait pas être en mesure de signer des contrats impliquant des permis d'exportation tant et aussi longtemps que ces permis d'exportation n'ont pas été autorisés », fait-il valoir.

Le ministre Carr a donné à la CCC jusqu'à la fin du mois pour élaborer un plan précisant comment les obligations internationales du Canada en matière de droits de la personne « seraient incorporées de manière explicite et transparente dans les objectifs et les procédures en matière de responsabilité sociale corporative ».

Le secrétaire général d'Amnistie internationale Canada, Alex Neve, y voit un pas dans la bonne direction, mais une mesure tout de même insuffisante.

« Ce n'est pas une loi. Ce n'est pas quelque chose qui resterait nécessairement en vigueur de gouvernement en gouvernement et ça ne donnerait pas l'impression de quelque chose de contraignant et d'applicable », s'inquiète-t-il.

M. Epps estime que le Sénat devrait modifier le projet de loi C-47 de manière à préciser que l'ensemble des ministères, agences et sociétés d'État du Canada sont tenus de se conformer au traité onusien.