La marijuana redeviendra illégale au Canada si Kellie Leitch devient chef conservatrice, puis première ministre.

En entrevue avec La Presse canadienne, mardi, la députée ontarienne a dit avoir une opinion très tranchée sur cette «drogue dangereuse» qu'elle ne «veut pas voir entre les mains des enfants».

Après avoir hésité à se prononcer sur ce qu'elle en ferait si elle était portée au pouvoir, elle a fini par lâcher qu'elle «ferait marche arrière» sur la légalisation du cannabis.

La marijuana devrait être disponible seulement à des fins médicales et vendue «derrière le comptoir d'une pharmacie, avec une prescription», a fait valoir Mme Leitch.

Le gouvernement de Justin Trudeau déposera jeudi son très attendu projet de loi sur la légalisation de la marijuana, qu'il a espoir de faire adopter d'ici juillet 2018.

Les libéraux ont souligné à maintes reprises que l'un des principaux objectifs de cette mesure est de restreindre l'accès à cette substance pour les enfants.

La candidate conservatrice estime pour sa part que le gouvernement libéral envoie «des messages contradictoires» aux jeunes Canadiens en allant de l'avant avec la légalisation de la marijuana.

«Des jeunes viennent me voir et me disent: «Vous savez, Dre Leitch, je ne comprends pas. On me dit de ne pas consommer de drogue, mais est-ce que je peux consommer cette drogue-là maintenant?'», a relaté la chirurgienne orthopédique pédiatrique.

Elle a par ailleurs reproché à Justin Trudeau d'avoir personnellement endossé la recommandation formulée par un groupe de travail de fixer à 18 ou 19 ans, selon la province ou le territoire, l'âge minimal national pour l'achat de cannabis.

«C'est un gouvernement qui a promis de prendre des décisions basées sur la science. Ce que la science dit, c'est que jusqu'à 20 ans, voire 25 ans, cette drogue peut avoir un effet dommageable sur le développement du cerveau», a-t-elle plaidé.

La députée Leitch a rencontré La Presse canadienne dans le cadre d'une série d'entretiens que l'agence réalise avec certains des 14 candidats qui briguent la chefferie du Parti conservateur du Canada.

Le prochain dirigeant de la formation sera élu le 27 mai à Toronto.

Kellie Leitch sur...

Les frappes en Syrie et Bachar al-Assad

La position de Mme Leitch n'est pas claire, mais elle semble prôner une forme d'isolationnisme en matière de politique étrangère. Elle a refusé à plusieurs reprises de dire clairement si elle appuyait les frappes militaires punitives de l'administration de Donald Trump en Syrie.

«Écoutez, je n'ai pas été consultée sur ces frappes, mais je n'aurais pas frappé en Syrie. Je pense que le gouvernement syrien et les gens dans la région prennent leurs propres décisions; les États-Unis ont pris leur propre décision de manière indépendante», a-t-elle offert.

La candidate Leitch est aussi vague lorsqu'on lui demande si elle pense, comme Justin Trudeau, que Bachar el-Assad devrait quitter le pouvoir.

«Je pense que comme Canadiens, nous avons toujours réussi à accomplir du bon travail en nous assurant qu'il est possible de s'asseoir, négocier et parler à tout le monde. (...) La première chose que je ferais serait de m'asseoir avec nos alliés internationaux pour discuter des prochaines étapes à suivre (...) et je ne veux pas spéculer sur la suite.»

Les valeurs canadiennes du Québec

Kellie Leitch ne parle pas français. Elle est peu connue au Québec, où les militants du parti auront un rôle important à jouer dans l'élection du prochain capitaine du navire conservateur. Comment compte-t-elle donc se démarquer?

Avec sa proposition phare, celle qui l'a fait apparaître sur le radar médiatique.

«Parce que je parle de l'enjeu numéro un, qui est la priorité pour (les Québécois): les valeurs canadiennes et notre identité canadienne», a-t-elle plaidé.

«Oui, Maxime Bernier est Québécois, c'est sa province natale, et les choses vont bien pour lui. Mais j'arrive en seconde position dans les sondages au Québec», a soutenu celle qui a été ministre au sein du gouvernement de Stephen Harper.

L'élue a proposé en septembre dernier de filtrer les immigrants et les réfugiés pour s'assurer qu'ils partagent les «valeurs canadiennes». Elle définit ces valeurs comme «le travail acharné, la générosité, la liberté, la tolérance et l'égalité des chances».

La suggestion mise de l'avant par Mme Leitch est considérée inapplicable par plusieurs analystes et par la majorité de ses adversaires. Elle lui a par ailleurs valu des accusations de racisme et de xénophobie qu'elle a balayées du revers de la main.

Le discours anti-élites

Avec les 18 lettres qui suivent son nom, la Dre Kellie Leitch est l'incarnation même de l'élite. Pourtant, cette chirurgienne spécialisée, aussi détentrice d'un MBA, mène sa campagne en pourfendant les élites, toutes catégories confondues.

N'y a-t-il pas là une contradiction évidente? Pas selon sa définition de l'élitisme.

«Être élitiste, c'est une attitude. C'est penser qu'on a toujours raison et que nos idées sont meilleures que celles des autres. Je ne pense pas toujours avoir raison, je sollicite souvent de l'aide et des conseils», a expliqué l'élue.