Le Nouveau-Brunswick a conclu une entente bilatérale avec Ottawa sur les transferts fédéraux en matière de santé.

Si le geste a déçu dans certaines capitales provinciales, Ottawa soutient que jusqu'à cinq provinces ou territoires négocieraient actuellement une entente bilatérale.

L'accord entre Ottawa et le Nouveau-Brunswick prévoit un nouvel apport de «fonds dédiés» fédéraux de près de 230 millions sur 10 ans - soit 125 millions pour les soins à domicile et 104 millions pour des initiatives en santé mentale. Les deux gouvernements élaboreront des «indicateurs de rendement» et des mécanismes de reddition de comptes, et un plan détaillé sur la façon dont les fonds dédiés seront dépensés.

Le premier ministre du Nouveau-Brunswick, Brian Gallant, a expliqué jeudi matin qu'il aurait préféré la conclusion d'une entente nationale, mais il s'est dit heureux et rassuré que sa province ait pu s'entendre avec Ottawa sur les fonds dédiés. «L'accord de financement d'aujourd'hui nous assurera, ce printemps, un financement pour les soins à domicile et de santé mentale qui, autrement, aurait pu être retardé ou perdu», a-t-il estimé.

«Ce fonds ciblé - et je comprends que des provinces et territoires n'aimaient pas ça - va nous aider avec le fait que notre population est vieillissante.»

Le Nouveau-Brunswick devient la première province à conclure une entente bilatérale avec Ottawa depuis que les provinces et territoires ont rejeté en bloc l'offre fédérale globale, lundi. Le gouvernement libéral de Justin Trudeau offrait alors de verser 25 milliards de plus sur cinq ans dans les soins de santé, mais une grande partie de cette somme devait être consacrée spécifiquement à la santé mentale et aux soins à domicile. Or, certaines provinces, dont le Québec, estiment qu'il s'agit là d'une ingérence fédérale dans un champ de compétence provincial.

Ottawa avait par ailleurs offert lundi une hausse annuelle générale de 3,5 %, plutôt que 6,0 %, du Transfert canadien en matière de santé (TCS), que les provinces ont aussi rejetée en bloc. Ottawa est donc revenu à son offre initiale: le TCS augmentera chaque année de 3,0 % - ou du taux de croissance annuel du PIB, s'il est plus élevé.

Selon le premier ministre Gallant, l'entente annoncée jeudi est plus avantageuse pour sa province parce qu'en vertu des projections de croissance du PIB, le TCS devrait augmenter selon lui d'environ 4,1 % par année. Le Nouveau-Brunswick devrait recevoir 1,2 milliard sur 10 ans en vertu de cette formule.

Le ministre Barrette irrité

M. Gallant ne s'inquiète pas trop, par ailleurs, d'avoir été le premier à conclure une entente bilatérale avec Ottawa - et à rompre le «front commun» des provinces et territoires. Car l'accord, a-t-il rappelé, prévoit que si une autre province réussit à obtenir davantage d'Ottawa, le Nouveau-Brunswick bénéficiera des mêmes termes.

«Cette clause était primordiale», a précisé le premier ministre. «Je suis certainement en solidarité avec les autres premiers ministres, j'espère qu'ils vont avoir de meilleures ententes, j'espère qu'ils vont nous battre avec leurs ententes, parce que là, nous, on pourra adopter la même entente.»

Une position qui a irrité le ministre québécois de la Santé, Gaétan Barrette. Sur son compte Twitter, il a déploré jeudi que le Nouveau-Brunswick «accepte une baisse du financement du fédéral de 23,3 à 20 %, mais se met en même temps à la remorque des autres (provinces et territoires) pour obtenir une meilleure offre».

Le premier ministre Gallant a trouvé ironique qu'un ministre québécois vienne dire aux Néo-Brunswickois comment gérer leurs affaires. «Si une autre province venait dire aux Québécois et au gouvernement du Québec comment gérer leurs soins de santé et leurs négociations avec le gouvernement fédéral, on sait tous, je pense, comment le gouvernement du Québec réagirait.»

M. Gallant a d'ailleurs estimé que certaines provinces ne semblaient pas vraiment disposées à s'entendre avec Ottawa lundi. «Leur stratégie leur appartient, mais nous, nous sommes arrivés (à la table de négociations) avec le réel désir de conclure une entente», a indiqué le premier ministre.

En Colombie-Britannique, le ministre de la Santé, Terry Lake, croit qu'Ottawa tente de diviser pour régner.

«Houston, on a un problème»

La ministre fédérale de la Santé, Jane Philpott, s'est bien sûr réjouie, jeudi, de l'entente conclue avec le Nouveau-Brunswick. Selon elle, le gouvernement Gallant a présenté des plans «très impressionnants» afin d'améliorer l'accès aux soins à domicile et aux soins en santé mentale.

«Je suis très heureuse de constater qu'ils souhaitent le faire dans un cadre qui mettra l'accent sur les soins de base, et que la médecine familiale sera le fer de lance des initiatives en matière de soins à domicile et de santé mentale, ce qui, selon moi, constitue la formule idéale», a estimé la ministre, en entrevue avec La Presse canadienne. «Il est clairement établi que les systèmes de santé qui s'articulent autour des soins de base sont les plus efficaces, à moindres coûts.»

Sur Twitter, M. Barrette a rétorqué: «Selon @janephilpott moins de financement 

meilleur accès! Bon, ben, Houston, on a vraiment un problème !!!».

Même si l'offre fédérale ne tient plus et qu'Ottawa a renoncé à conclure une entente nationale avec toutes les provinces, le gouvernement fédéral souhaite toujours investir dans les soins à domicile et la santé mentale. Le fédéral poursuit des négociations bilatérales avec les provinces et territoires - et cinq ou six gouvernements regretteraient maintenant d'avoir rejeté l'offre fédérale lundi, croit-on à Ottawa.

La ministre Philpott soutient qu'elle a eu des entretiens avec quelques-uns de ses homologues depuis lundi dernier, tout comme son collègue aux Finances, Bill Morneau.

Le premier ministre de la Saskatchewan, Brad Wall, croit aussi que certaines provinces négocient avec le gouvernement fédéral et qu'elles pourraient suivre l'exemple du Nouveau-Brunswick. Il convient que le pouvoir de négociation des provinces s'en trouve diminué, mais il comprend que les intérêts particuliers de certains sont parfois mieux servis par le biais de discussions bilatérales.