Qualifiant de « ridicule » la réponse du gouvernement Trudeau aux cas de journalistes mis sous surveillance au Québec, l'organisme Canadian Journalists for Free Expression demande une enquête publique sur la surveillance des journalistes au Canada ainsi qu'une loi fédérale sur la protection des sources journalistiques.

Il y a deux semaines, après les révélations qu'une demi-douzaine de journalistes québécois aient été espionnés par la Sûreté du Québec ou le SPVM, le gouvernement du Québec a annoncé la création d'une commission d'enquête présidée par le juge de la Cour d'appel du Québec Jacques Chamberland. À Ottawa, le gouvernement Trudeau a uniquement demandé à la GRC et au SCRS si les deux corps policiers fédéraux avaient mis « actuellement » des journalistes sous surveillance. 

« C'est ridicule, il faut absolument aller plus loin. [...] Il n'y a pas de surveillance efficace des corps policiers. Ce n'est pas un problème québécois, c'est un problème national  », a dit Tom Henheffer, directeur principal de l'organisme Canadian Journalists for Free Expression (CJFE) lors d'une conférence de presse ce matin à Ottawa. Le CJFE était accompagné des journalistes Patrick Lagacé (La Presse), mis sous surveillance à deux reprises par le SPVM, Ben Makuch (Vice), qui se bat contre la GRC devant les tribunaux pour ne pas leur remettre du matériel journalistique, et Mohamed Fahmy, un journaliste canadien emprisonné 400 jours en Égypte. 

C'est en raison de ce « manque de surveillance efficace » de la Gendarmerie royale du Canada (GRC) et du Service canadien de renseignement en sécurité (SCRS) que l'organisme Canadian Journalists for Free Expression demande une enquête publique sur la surveillance des journalistes au pays. « Je serais sous le choc si aucun autre journaliste [que ceux au Québec] n'avait fait l'objet de surveillance », dit Tom Henheffer, du CJFE. 

En plus d'une enquête publique, le CJFE demande au gouvernement Trudeau d'adopter trois mesures à court terme qui aideraient à la protection des sources journalistiques. 

Premièrement, adopter une loi fédérale visant la protection des sources journalistiques. « Toutes les démocraties occidentales ont une loi », dit Tom Henheffer.  Ensuite, faire en sorte que les mandats de surveillance contre les journalistes soient demandés à un juge par un procureur de la Couronne, et non par la police - le Québec a adopté cette mesure (aussi applicable aux députés et aux avocats) depuis deux semaines. Finalement, rendre le fardeau de preuve pour obtenir des mandats de surveillance plus exigeants en retirant les modifications adoptées à la loi du projet de loi C-13. Le CJFE se dit aussi favorable à des mesures de protection additionnelles, par exemple la nomination d'un avocat qui défendrait les journalistes lors du processus d'adoption du mandat. 

« Il est temps de passer de la parole aux actes et de protéger la relation spéciale entre les journalistes et les sources à l'intérieur d'une loi, dit Patrick Lagacé, chroniqueur à La Presse. Au Québec, on a eu une discussion collective sur la protection des sources. Le gouvernement du Québec a bien répondu, mais il reste encore du travail à faire du côté du fédéral. La mentalité policière n'est pas différente, que ce soit en Saskatchewan ou au Québec. »

« Premier ministre Trudeau, vous m'avez appuyé [dans le dossier où il a été emprisonné en Égypte]. J'ai la foi que vous ferez la même chose pour les journalistes au Canada », dit Mohamed Fahmy, un journaliste canadien emprisonné 400 jours en Égypte. 

Le journaliste de Vice Ben Makuch se bat devant les tribunaux contre la GRC qui veut saisir son matériel journalistique sur un présumé terroriste. Il a perdu sa cause en première instance et sera entendu par la Cour d'appel de l'Ontario en février. Il risque la prison s'il perd sa cause et refuse de rendre son matériel journalistique à la GRC. 

À la Chambre des communes, le NPD demande aussi une enquête publique, tandis que le Bloc québécois proposera un projet de loi privé sur la protection des sources journalistiques.