L'ancien premier ministre Stephen Harper met définitivement fin à sa carrière politique aujourd'hui en démissionnant de ses fonctions de député de la circonscription fédérale de Calgary Heritage.

M. Harper, qui a dirigé le pays pendant près de 10 ans, entreprendra donc un nouveau chapitre de sa vie dans le secteur privé en prenant la tête d'une entreprise qu'il vient de mettre sur pied, Harper & Associates, laquelle offrira des conseils stratégiques à des clients qui veulent brasser des affaires sur la scène internationale, selon des informations obtenues par La Presse.

M. Harper, qui s'est montré plutôt discret depuis la défaite du Parti conservateur aux élections fédérales d'octobre dernier, s'est adjoint les services de certains de ses anciens proches collaborateurs lorsqu'il était premier ministre pour assurer le succès de cette nouvelle firme de consultants, notamment Ray Novak, qui était son chef de cabinet pendant la majeure partie de son mandat majoritaire.

Selon une source digne de foi, M. Harper compte voyager souvent à l'étranger, étant donné que l'entreprise offrira des conseils et des analyses à des clients qui souhaitent s'implanter davantage à l'extérieur du Canada. « Les clients de l'entreprise pourront compter sur les perspectives et analyses stratégiques ainsi que sur le réseau d'un ancien leader d'un pays du G7 », a souligné cette source qui a requis l'anonymat.

Dans un message vidéo, diffusé sur les réseaux sociaux depuis 9 h aujourd'hui, M. Harper, qui est âgé de 57 ans, revient sur le bilan de son gouvernement conservateur et confirme son départ de la politique fédérale.

« Pendant presque 18 ans, j'ai eu cet immense honneur de représenter Calgary au sein de notre Parlement. Je suis reconnaissant et touché d'avoir reçu votre appui et votre confiance à sept reprises. Et je quitte la vie politique fier de ce que notre équipe a accompli ensemble », affirme M. Harper dans cette vidéo dont La Presse avait obtenu une transcription avant sa parution.

« Nous avons uni tous les conservateurs sous une seule bannière. Nous avons baissé les taxes et les impôts, nous avons fait des investissements critiques et nous avons équilibré le budget fédéral. Nous avons placé les droits des victimes avant ceux des criminels. Et notre préoccupation pour les familles était au coeur de nos politiques. Nous avons su gérer notre économie alors qu'elle traversait la pire récession mondiale depuis la Grande Dépression et en sommes ressortis plus forts que jamais. Nous avons adopté des positions de principe dans un monde complexe et dangereux », souligne aussi l'ancien premier ministre.

« Que ce soit au Canada ou à l'étranger, nous étions toujours fiers de défendre notre pays », a déclaré Stephen Harper, dans le message vidéo.

M. Harper conclut la vidéo en invitant les Canadiens à continuer à travailler pour construire un meilleur pays pour leurs enfants. « Notre pays doit continuer à servir comme modèle de prospérité et de liberté. Continuez à défendre les principes pour lesquels nous nous sommes battus ici au Canada et à l'étranger. Et nos enfants, et les enfants de nos enfants, hériteront du Canada que nous connaissons et aimons tant », soutient-il.

« Alors que je fais mes adieux au Parlement du Canada et me prépare pour le prochain chapitre de ma vie, j'aimerais exprimer ma reconnaissance éternelle aux électeurs de Calgary Heritage, aux membres du Parti conservateur et à tous les Canadiens et Canadiennes pour m'avoir donné l'honneur de servir le meilleur pays au monde. »

« Il a de quoi être fier »

Selon Carl Vallée, qui a été un proche collaborateur de M. Harper pendant six ans, l'ancien premier ministre a transformé le paysage politique durant son règne de près de 10 ans et laisse derrière lui un Parti conservateur « fort et uni ». « M. Harper est entré en politique pour faire une différence concrète dans la vie des gens et c'est exactement ce qu'il a fait : il a baissé leurs taxes et les impôts de façon importante, il a favorisé la création d'emplois et il a mis les droits des victimes avant ceux des criminels », a dit M. Vallée, qui est aujourd'hui consultant sénior chez HATLEY Conseillers en stratégie à Montréal.

« Non seulement l'ancien premier ministre aura profondément transformé le paysage politique canadien en unissant le mouvement conservateur, mais on peut aussi dire qu'il a contribué à la transformation du paysage politique québécois. Sous sa gouverne, le Bloc québécois a cessé d'être une force dominante au Québec, et le mouvement souverainiste s'est affaibli considérablement. Cela est attribuable à sa volonté de respecter à la lettre les champs de compétence du Québec et de ne pas faire revivre les vieilles chicanes constitutionnelles. Qu'un chef conservateur issu de l'Alberta fasse élire autant de députés au Québec dans l'opposition, c'est du jamais vu », a ajouté M. Vallée, qui assure aussi la direction de la Fédération canadienne des contribuables pour le Québec.

« Il aura réussi à bâtir une base conservatrice au Québec. Il a de quoi être fier », estime Carl Vallée, un proche collaborateur de M. Harper au bureau du premier ministre pendant six ans.

M. Harper a pris la parole en public pour la dernière fois en mai quand il a prononcé un discours au congrès national du Parti conservateur à Vancouver. Il avait alors fait une courte allocution au cours de laquelle il avait lancé un appel à l'unité et s'était félicité du fait que le Parti conservateur détienne « une base aussi solide » au Québec même s'il se retrouve dans l'opposition. Aux dernières élections, le Parti conservateur a remporté 12 des 78 sièges au Québec - sa meilleure récolte dans la province depuis 1988.

Selon certaines estimations, Stephen Harper aura droit à une pension de 127 000 $ par année, maintenant qu'il quitte la politique fédérale. Lorsqu'il aura 67 ans, il aura aussi droit à une prime de 58 000 $ par an qui est versée aux anciens premiers ministres.

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LA CARRIÈRE de Stephen Harper en dix dates



1993: Il est élu pour la première fois à la Chambre des communes sous les couleurs du Parti réformiste.

1996: Il quitte la politique fédérale pour devenir président de la National Citizens Coalition.

2002: Il revient en politique fédérale en remportant la course à la direction de l'Alliance canadienne, le parti qui a remplacé le Parti réformiste.

2003 : Il négocie la fusion de l'Alliance canadienne et du Parti progressiste-conservateur : le Parti conservateur est né.

2004 : Il remporte la course à la direction du Parti conservateur, mais perd les élections de juin aux mains des libéraux, retournés au pouvoir avec un mandat minoritaire.

2006 : Il remporte les élections fédérales du 23 janvier avec un mandat minoritaire.

2008 : Il déclenche des élections anticipées, et obtient un autre mandat minoritaire.

2011 : Son parti obtient la majorité des sièges à la Chambre des communes aux élections du 2 mai.

2015 : Il déclenche la plus longue campagne électorale depuis 1872. Ça ne lui sourira pas : Justin Trudeau l'emporte.

2016 : Le 26 août, il annonce qu'il démissionne de ses fonctions de député de Calgary Heritage.

PHOTO Mark Blinch, Archives Reuters

Stephen Harper