Se déclarer « féministe », comme l'a fait le premier ministre Justin Trudeau au printemps, ne doit pas être perçu comme un aveu de faiblesse ou un manque de masculinité par les hommes, affirme la ministre de la Condition féminine, Patty Hajdu.

C'est au contraire une façon toute simple de reconnaître, en 2016, l'importance de l'égalité des droits et des chances entre les hommes et les femmes, a soutenu la ministre dans une entrevue à La Presse alors qu'elle poursuit ses consultations un peu partout au pays afin d'élaborer une stratégie nationale pour contrer la violence dont sont victimes les femmes.

« Cela ne diminue en rien la masculinité d'un homme quand il se dit féministe. Être féministe, cela veut dire une seule chose : que l'on croit que les deux sexes méritent un traitement égal et équitable. Les femmes ont les mêmes droits que les hommes de toucher le même salaire pour le même travail, par exemple. Ce terme a reçu une mauvaise publicité au fil des ans. Mais c'est un concept que chacun d'entre nous peut bien défendre, à savoir que nous croyons que les hommes et les femmes devraient avoir les mêmes chances et les mêmes droits », a affirmé la ministre Hajdu.

UNE DÉCLARATION IMPORTANTE

Profitant de la Journée internationale des droits des femmes, le 8 mars, Justin Trudeau a proclamé sa fierté d'être « féministe » dans une lettre publiée dans le quotidien The Globe and Mail. M. Trudeau a notamment dit avoir « eu la chance d'être élevé par une mère qui croyait au féminisme » et par un père respectueux et défenseur « des droits de tous ».

« Nous ne devrions pas avoir peur du mot féminisme », avait aussi souligné le premier ministre, pour qui ce vocable signifie « l'égalité des droits et des chances entre les hommes et les femmes ».  « L'égalité n'est pas une menace, c'est une occasion », avait aussi dit M. Trudeau, invitant les hommes à donner l'exemple et être des modèles.

Pour la ministre de la Condition féminine, cette déclaration de M. Trudeau est importante, car les mentalités changent au sein d'une société quand les leaders en font une priorité. Et pour elle, il est évident que le premier ministre fait de cette question une de ses priorités depuis son arrivée à la tête du gouvernement, la composition d'un cabinet comptant le même nombre d'hommes et de femmes en étant un exemple probant.

« Durant les consultations à Montréal lundi, une femme a dit que nous avions donné au féminisme une connotation négative dans notre société. Si tu aimes de la belle musique, si tu aimes l'art raffiné, si tu pleures, tout trait que l'on peut considérer comme étant "féminin" est vu comme une menace à la masculinité d'un homme. Mais il faut mettre fin, en tant que société, à cette guerre à la féminité », a ajouté la ministre.

S'ATTAQUER À LA VIOLENCE

Pour ce qui est de la violence faite aux femmes, Mme Hajdu affirme que le gouvernement fédéral a du pain sur la planche. D'abord et avant tout, il faut brosser un portrait juste de la réalité d'aujourd'hui, puisque la derrière étude menée par Ottawa sur cette question date de 1982.

« Les statistiques sur la violence faite aux femmes sont dépassées. Nous n'avons pas eu d'étude exhaustive sur cette question au fédéral depuis 1982. Et ces statistiques sont elles-mêmes incomplètes puisqu'on sait que les femmes n'ont pas tendance à dénoncer la violence dont elles sont victimes, pour toutes sortes de raisons. C'est l'un des défis que nous avons, celui d'établir le portrait juste de la réalité. Nous savons tous que les femmes sont plus susceptibles d'être victimes d'agressions sexuelles que les hommes, par exemple. Aussi, la violence conjugale touche les femmes dans 80 % des cas », a-t-elle relevé.

Les consultations qu'elle mène aux quatre coins du pays l'aideront à obtenir un portrait plus exact de cette problématique, mais aussi à déterminer les mesures de soutien aux femmes victimes de violence qui s'imposent.

« Nous voulons faire preuve de leadership sur cette question, car pour atteindre la parité entre les deux sexes, les femmes doivent se sentir en sécurité dans leur propre communauté. Si une femme ne se sent pas en sécurité dans sa ville, cela devient plus difficile pour elle de réaliser son plein potentiel », a-t-elle dit.

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DES CONSULTATIONS NATIONALES

La ministre de la Condition féminine Patty Hajdu s'est déjà rendue dans plusieurs villes du pays (Montréal, Toronto, Vancouver, Halifax, Winnipeg, Regina, entre autres) afin de rencontrer les divers intervenants pour obtenir un portrait exact en matière de violence fondée sur le sexe. Elle sera d'ailleurs de nouveau à Montréal lundi pour mieux comprendre les programmes de soutien aux femmes victimes de violence qui fonctionnent au Québec. Le premier ministre Justin Trudeau lui a confié le mandat de travailler avec des experts et des défenseurs des droits des femmes afin d'établir et de mettre en oeuvre une stratégie fédérale complète en matière de violence fondée sur le sexe qui soit en harmonie avec les stratégies provinciales.