Le ministre des Affaires étrangères, Stéphane Dion, estime que c'est Aung San Suu Kyi qui est la «dirigeante de facto» de la Birmanie, même si le Parlement a dû composer avec une «curieuse disposition» de la Constitution pour lui assurer ce poste.

Mme Suu Kyi, militante des droits démocratiques mondialement connue, lauréate du prix Nobel de la paix, a été nommée ministre des Affaires étrangères de la Birmanie. Elle a aussi reçu plus tôt cette semaine ses homologues de Chine et d'Italie.

Elle dirige la Ligue nationale pour la démocratie (LND), un parti jadis interdit, qui a remporté une écrasante victoire aux élections législatives de novembre. Mais en vertu de la Constitution, elle ne peut être élue présidente de son pays parce que son défunt mari était britannique, tout comme ses deux fils. Cette disposition constitutionnelle avait été taillée sur mesure par la junte militaire que combattait Mme Suu Kyi et qui l'a assignée à résidence pendant des années.

La secrétaire générale de la LND a donc choisi un proche allié, Htin Kyaw, pour occuper la présidence à sa place. Dès le début de ses travaux, mardi, le Parlement a par ailleurs créé de toutes pièces un poste de «conseiller d'État» pour Mme Suu Kyi, ce qui lui confère finalement les pouvoirs d'un premier ministre. La ministre des Affaires étrangères dirige aussi le «bureau de la présidence».

Le ministre Dion, à l'instar de ses homologues de quelques autres pays, a rendu visite au nouveau gouvernement assermenté la semaine dernière. Il a soutenu jeudi que la formule mise en place en Birmanie est légitime et constitue le premier pas de ce qui s'avérera une longue marche vers la démocratie.

M. Dion a félicité la Birmanie pour s'être donné un premier gouvernement civil après des décennies de dictature militaire.

«Il est toujours difficile de bâtir une démocratie forte», a estimé le ministre lors d'une conférence de presse commune au palais présidentiel de la Birmanie, dans la capitale, Naypyidaw. «La Birmanie doit réussir: c'est important pour votre pays, mais aussi pour le monde.»

Le ministre Dion a d'ailleurs annoncé une aide de 44 millions pour aider le pays à se doter d'institutions démocratiques, mais aussi des projets de microcrédit pour les femmes qui veulent démarrer une petite entreprise.

Mme Suu Kyi a indiqué de son côté que le ministre Dion avait offert l'aide du Canada pour mettre un terme à l'insurrection armée de minorités contre le gouvernement central à majorité birmane.

Ces minorités réclament plus d'autonomie et le contrôle sur leurs ressources naturelles dans le nord, le nord-est et l'est du pays. Plusieurs milices ethniques mènent une guérilla depuis que la Birmanie a acquis son indépendance du Royaume-Uni en 1948.

«Je crois que le Canada est particulièrement intéressé à nous aider dans le processus de paix, et c'est le type d'aide que nous accueillons avec plaisir», a indiqué Mme Suu Kyi lors de la conférence de presse.

À ce chapitre, M. Dion a indiqué lors d'un entretien téléphonique qu'il avait rappelé à son homologue le leitmotiv du premier ministre Justin Trudeau: le Canada est fort grâce à sa diversité, et non malgré elle. Selon lui, ses homologues «ont exprimé leur volonté de travailler à la réconciliation nationale».

Mme Suu Kyi, prix Nobel de la Paix en 1991 pour sa lutte en faveur de la démocratie en Birmanie, est l'un des rares étrangers à être devenu citoyen honoraire du Canada, en 2007.