Stephen Harper a suspendu, le printemps dernier, l'étude des dossiers de réfugiés syriens que fournit au Canada le Haut-Commissariat aux réfugiés des Nations unies (HCR).

Si M. Harper laisse entendre que c'était en partie pour une question de sécurité, le Conseil syro-canadien n'en croit rien.

Soulignant que les dossiers des réfugiés parrainés de manière privée continuaient à être traités normalement pendant cette suspension, le porte-parole du Conseil syro-canadien, Faisal Alazem, a dénoncé une «sélection plus idéologique que sécuritaire».

Les réfugiés référés par le HCR sont choisis sans égard à leur religion ou leur ethnicité tandis que ceux qui arrivent au Canada dans le cadre d'un parrainage privé sont surtout chrétiens. Et M. Harper a annoncé qu'il donne la priorité à ceux qu'il considère «les plus vulnérables», soit les chrétiens, kurdes et membres d'autres minorités syriennes. La plupart des millions de réfugiés syriens sont des musulmans sunnites.

Jeudi après-midi, alors qu'il entamait un discours électoral à Vancouver, le premier ministre sortant a essayé de s'expliquer.

«Notre gouvernement a adopté une attitude généreuse envers les réfugiés tout en assurant la sélection des personnes les plus vulnérables et en protégeant la sécurité de notre pays. La vérification que nous avons demandée plus tôt cette année visait à assurer que ces objectifs étaient respectés», a déclaré M. Harper.

L'argument de la sécurité «ne tient pas du tout», de l'avis de M. Alazem. Reste la religion.

«Il y a quelque chose qui est très moche, qui est très moche, dans ce dossier-là», insiste M. Alazem.

Il a rappelé que les parrainages privés se font surtout par les églises, accueillant au Canada les Syriens chrétiens plutôt que musulmans sunnites.

Le HCR refuse de référer en priorité au Canada, tel que le gouvernement conservateur le voudrait, les réfugiés membres de minorités religieuses et ethniques.

«Quand ça vient du HCR, ils veulent faire de la vérification et analyser les dossiers parce que le HCR ne sélectionne pas ces gens-là dépendamment de leur religion. (...) Alors que quand c'est au privé, il n'y a pas vraiment eu d'intervention parce qu'à travers le privé, on sait quel genre de réfugié va venir», a supposé M. Alazem dans une entrevue téléphonique.

Selon des sources de La Presse Canadienne, le bureau du premier ministre a mis beaucoup d'énergie depuis l'an dernier pour donner la priorité aux réfugiés chrétiens, kurdes et issus d'autres minorités, cherchant à un certain moment à contourner le HCR.

Dorénavant, Ottawa compte, comme l'a confirmé vendredi dernier le ministre Alexander, sur les parrainages privés pour faire entrer d'abord chrétiens, Kurdes et autres Syriens minoritaires. Le gouvernement Harper a promis d'accueillir 10 000 réfugiés syriens d'ici septembre prochain.

«Ils ne voient même pas ces gens-là comme des êtres humains. Ils veulent les choisir par catalogue (...) pour satisfaire une certaine préférence idéologique qu'ils ont», a lancé avec colère M. Alazem.

Cette colère, des chefs politiques en campagne électorale la partageaient, jeudi.

«C'est totalement inadmissible. M. Harper est en train de jouer avec la souffrance des gens», a accusé le chef bloquiste Gilles Duceppe.

Le chef néo-démocrate Thomas Mulcair a qualifié la suspension d'«abjecte». Le libéral Justin Trudeau a également dénoncé la chose, tout en disant que venant de M. Harper, cela ne lui causait «aucune surprise».

M. Harper n'a pas voulu commenter davantage cette affaire. Après son discours à Vancouver, le chef conservateur n'a répondu à aucune question de journaliste.

Le Globe and Mail rapportait jeudi matin que la suspension ordonnée par le bureau de M. Harper servait à confier au personnel du premier ministre la vérification des dossiers des réfugiés syriens identifiés par le HCR. La Presse Canadienne n'a pu confirmer cette information.