À 10 mois des prochaines élections fédérales, les conservateurs de Stephen Harper sont en voie de vider la cagnotte des surplus prévus au cours des cinq prochaines années en multipliant les mesures coûteuses.

Les partis de l'opposition estiment que le gouvernement Harper agit de manière irresponsable en utilisant ainsi les surplus après des années de déficits budgétaires, d'autant plus que les revenus d'Ottawa risquent d'être touchés par la chute brutale des prix du pétrole.

Ils soutiennent aussi qu'il s'agit d'une manoeuvre politique à l'aube d'une campagne électorale visant à leur enlever toute marge de manoeuvre budgétaire et à les contraindre d'augmenter les impôts pour financer leurs éventuelles promesses.

Dans son dernier budget déposé en mars, le gouvernement Harper prévoyait un surplus de 32,9 milliards de dollars d'ici 2018-2019, une fois l'équilibre budgétaire rétabli en 2015-2016.

Mais le premier ministre a annoncé des mesures budgétaires totalisant 26 milliards de dollars jusqu'ici. Le 30 octobre, il a confirmé que son gouvernement respecterait sa promesse de permettre le fractionnement du revenu pour les couples ayant des enfants de moins de 18 ans. Cette mesure est d'ailleurs rétroactive au 1er janvier 2014.

Le premier ministre a aussi annoncé une bonification de la prestation universelle pour la garde d'enfants. Les parents ayant des enfants de moins de 6 ans verront la prestation mensuelle passer de 100$ par mois à 160$ à compter du 1er  janvier 2015. Cette prestation a aussi été élargie pour inclure les enfants de moins de 18 ans. Ainsi, les couples ayant des enfants âgés de 6 à 17 ans auront droit à 60$ par enfant par mois. Le premier versement aura lieu le 1er juillet 2015 et comprendra les six premiers mois de l'année.

Le gouvernement a aussi annoncé en septembre un crédit pour l'emploi visant les petites entreprises qui privera le fisc de 550 millions de revenus en 2015 et de la même somme en 2016.

Enfin, la semaine dernière, le premier ministre a annoncé de nouveaux investissements de 5,3 milliards au cours des trois prochaines années pour rénover les infrastructures appartenant au gouvernement fédéral.

Une marge qui disparaît

Résultat: la marge de manoeuvre financière d'Ottawa n'est plus que de 12,6 milliards d'ici 2018-2019 si l'on tient compte de l'évolution de la situation économique depuis la présentation du budget et des annonces faites par le premier ministre et les ministres de son gouvernement au cours des deux derniers mois.

En 2015-2016, le premier surplus en sept ans devrait être de seulement 1,6 milliard. Toutefois, le gouvernement fédéral s'est donné un coussin financier annuel de 3 milliards pour parer aux imprévus.

L'opposition ne s'inquiète pas

Malgré tout, les partis de l'opposition soutiennent que M. Harper se trompe s'il croit pouvoir lier les mains des autres en faisant de telles annonces.

«Il n'y a strictement rien de ce qui est annoncé par les conservateurs ces temps-ci qui va être mesuré à l'aune de la réalité. C'est une série d'annonces, des positionnements, ce sont des manières de s'y prendre avec l'électorat en vue d'une élection l'année prochaine. Nous, on va avoir nos priorités», a affirmé le chef du NPD, Thomas Mulcair.

Il a rappelé que son parti a l'intention de majorer le taux d'imposition des entreprises pour le ramener au taux moyen des pays de l'OCDE afin de financer des programmes tels qu'un réseau national de garderies inspiré de celui du Québec.

«M. Harper nous rend toujours la tâche plus difficile parce qu'il a évacué la capacité fiscale de l'État à hauteur de 50 milliards de réduction d'impôt pour les sociétés les plus riches, mais ça ne nous empêchera pas de faire notre travail. Contrairement aux libéraux, par exemple, le NPD est clair. Nous allons augmenter l'impôt des corporations au Canada», a-t-il dit.

Pour leur part, les libéraux ont l'intention d'annuler les baisses d'impôt liées au fractionnement du revenu, estimant qu'il s'agit d'une mesure inique qui favorise les contribuables riches.

«Toutes ces annonces ne sont que du saupoudrage pour obtenir l'appui d'un groupe en particulier en prévision des élections. Elles visent aussi à vider la caisse pour lier les mains des autres partis. C'est carrément irresponsable. Mais cela ne fonctionnera pas. Les électeurs ne seront pas dupes», a affirmé à La Presse le leader adjoint du Parti libéral, Ralph Goodale, ancien ministre des Finances dans le gouvernement libéral de Paul Martin.