Les compressions majeures imposées à la fonction publique par le gouvernement Harper n'ont pas stoppé la croissance du nombre d'employés fédéraux gagnant plus de 100 000 $. Au moment où Ottawa sabrait plus de 19 000 postes l'an dernier, leur nombre a frôlé un sommet historique.

Selon des données obtenues par La Presse, 40 850 fonctionnaires ont gagné dans les six chiffres en 2012-2013. C'est deux fois plus qu'au moment de l'élection du gouvernement conservateur en 2006.

Le «club des 100 000 $» n'a été plus le nombreux qu'une fois en huit ans, soit en 2009-2010. À cette occasion, le fédéral avait signé 26 conventions collectives avec ses fonctionnaires, ce qui avait entraîné le versement de paiements rétroactifs à des milliers de travailleurs.

Indemnités de départ

La hausse du nombre de hauts salariés observée l'an dernier s'explique «en partie» par l'élimination des indemnités de départ pour les fonctionnaires qui quittent leur emploi volontairement, explique la porte-parole du Secrétariat du Conseil du Trésor, Kelly James. Plus de 100 000 fonctionnaires ont reçu un paiement pour compenser la perte de ces indemnités.

Ottawa espère que cette mesure permettra à terme d'économiser un demi-milliard par année.

Lorsqu'on exclut les bonis, les heures supplémentaires et les primes de rendement, le nombre de fonctionnaires dont le salaire de base dépasse 100 000 $ a continué de grimper dans l'année 2012-2013. Et ce, même si le gouvernement Harper a annoncé la suppression de 19 200 emplois dans la fonction publique fédérale.

Invité à commenter l'augmentation du nombre de hauts salariés en période de compressions, le bureau du président du Conseil du Trésor, Tony Clement, a répondu dans un courriel laconique que les Canadiens ont «donné un mandat fort» au gouvernement conservateur pour qu'il stimule l'économie.

«Nous visons toujours une fonction publique moderne, efficace et hautement performante», a indiqué la porte-parole du ministre, Heather Domereckyj.

Services directs

L'Alliance de la fonction publique du Canada, pour sa part, note que ces compressions ont touché de plein fouet ses membres, qui gagnent en moyenne 49 500 $ par année. La porte-parole québécoise du syndicat, Magali Picard, s'insurge contre la hausse du nombre de hauts salariés au moment où des centaines de fonctionnaires perdaient leur emploi.

«Je suis sidérée, je suis fâchée, mais je ne suis pas du tout surprise», tranche-t-elle.

La leader syndicale note que les coupes ont surtout touché les employés qui fournissaient des services directs à la population et les inspecteurs chargés de faire appliquer les règles fédérales. Elle s'explique mal, dans un tel contexte, qu'Ottawa garde en poste autant de cadres et de professionnels à fort salaire.

«Le citoyen qui a besoin d'un chèque de supplément de revenu garanti, qui doit attendre quatre mois pour avoir un chèque, je ne suis pas certaine qu'il est content que le gouvernement ait embauché plus d'avocats», déplore Mme Picard.

Dédommagement

À l'Institut professionnel de la fonction publique, qui représente plusieurs fonctionnaires hautement qualifiés, on s'étonne que le gouvernement conservateur ait décidé d'abolir les indemnités pour les départs volontaires en pleine période de compressions.

«Ça n'a pas de sens qu'au moment où ils coupaient d'un côté, ils aient lancé de l'autre un important dédommagement pour les employés fédéraux», déplore la présidente du syndicat, Debi Daviau.

- Avec la collaboration de William Leclerc