Dès la première réunion de son cabinet en 1993, Jean Chrétien a réduit le personnel de son bureau et de celui de ses ministres, estimant que l'ancien gouvernement progressiste-conservateur avait donné trop d'ampleur à son personnel politique.

Le sujet avait dominé les discussions des ministres lors de leur première réunion présidée par Jean Chrétien le 4 novembre 1993, soit quelques jours après les élections générales du 25 octobre, qui ont permis aux libéraux de chasser les conservateurs du pouvoir.

Le nouveau premier ministre libéral avait alors annoncé aux 31 ministres de son gouvernement qu'ils ne seraient pas autorisés à embaucher des chefs de cabinet - M. Chrétien souhaitait qu'ils s'appuient beaucoup plus sur les fonctionnaires pour obtenir des conseils politiques.

Le premier ministre comptait ainsi réduire de près de 10 millions de dollars les budgets administratifs de son bureau et de ceux de ses ministres, en limitant le nombre et les salaires du personnel politique.

Et le cabinet lui-même devait être allégé avec l'élimination du comité des priorités et de la planification, question d'éliminer un processus de discussion jugé non essentiel.

Des renseignements à ce sujet ont été obtenus par La Presse Canadienne en vertu de la Loi sur l'accès à l'information, qui permet la publication de la plupart des dossiers du gouvernement après 20 ans. Une page du compte rendu de la réunion a d'ailleurs été complètement caviardée pour protéger les intérêts économiques nationaux.

«Le premier ministre a également demandé à ses ministres de se fier à leur ministère pour obtenir des conseils - en insistant sur le fait que leurs sous-ministres faisaient aussi partie de leur équipe», précise le compte rendu.

M. Chrétien, dont le parti avait remporté une solide majorité de 177 sièges et réduit la députation conservatrice à seulement deux personnes, mettait également en garde son cabinet en ce qui concerne les relations avec la presse, suggérant ainsi de limiter les commentaires faits aux médias.

Le reste de la réunion fut peu animé, et les ministres n'ont autorisé que l'entrée en vigueur de deux promesses électorales: l'annulation du contrat d'achat d'hélicoptères EH-101, et la mise en oeuvre d'un programme d'infrastructures destiné à relancer l'économie durement touchée par la récession.

L'un des nouveaux ministres de l'époque est toujours présent aux Communes 20 ans plus tard; il s'agit de Ralph Goodale, alors responsable du portefeuille de l'Agriculture.

«L'ambiance était animée, évidemment», confie-t-il aujourd'hui lors d'une entrevue. «Un an plus tôt environ, les gens disaient que nous ne pouvions pas remporter les élections.»

Lors de son arrivée au pouvoir en 1993, M. Chrétien a pour sa part conservé un chef de cabinet, Jean Pelletier, mais le pouvoir et la taille de son bureau ont augmenté avec les années. Son successeur en 2005, Paul Martin, a poursuivi sur cette lancée, tout comme Stephen Harper depuis son élection en 2006. En 2012-2013, le cabinet du premier ministre a dépensé 8,2 millions de dollars en salaires, moyens de communication et autres services, en hausse de 7 % par rapport à l'année précédente.

En 2006, déjà, le rapport final du juge John Gomery sur le scandale des commandites remettait en question l'influence grandissante du cabinet du premier ministre, et suggérait de le contenir rapidement.

La dernière réunion du cabinet de la première ministre sortante, Kim Campbell, le 29 octobre 1993, a été moins animée. Un seul ministre avait été réélu quatre jours plus tôt: celui de l'Industrie, Jean Charest, qui deviendra chef du Parti progressiste-conservateur après la démission de Mme Campbell.