Malgré un battage publicitaire qui a coûté des dizaines de millions de dollars aux contribuables, à peine 500 Canadiens ont appelé le gouvernement fédéral en huit mois pour s'informer du fameux «Plan d'action économique du Canada» des conservateurs.

Des données obtenues par La Presse grâce à la Loi sur l'accès à l'information révèlent qu'entre le 17 septembre 2012 et le 17 mai 2013, 506 personnes ont composé le numéro 1 800 O-CANADA pour obtenir des renseignements sur les programmes annoncés dans le budget fédéral.

Le gouvernement Harper a pourtant pris les grands moyens pour faire connaître son budget. Les publicités du Plan d'action économique ont tapissé les réseaux télévisés aux heures de grande écoute, notamment le printemps dernier, lors des séries éliminatoires de la Coupe Stanley.

Le ministère des Finances a refusé de fournir des chiffres plus récents sur les appels au numéro 1 800.

«Le Ministère a accès aux rapports uniquement durant la période pendant laquelle se déroule la campagne», a écrit sa porte-parole dans un courriel.

Le gouvernement conservateur a dépensé 21 millions en campagnes publicitaires pour le Plan d'action économique, l'an dernier. Cette offensive publicitaire s'est poursuivie cette année. Les Canadiens ont notamment pu voir de nombreuses annonces pendant les matchs de hockey des séries éliminatoires.

Le Parti libéral a maintes fois dénoncé la campagne à grands frais lancée par le gouvernement Harper. Le député montréalais Marc Garneau rappelle que diffuser une publicité de 30 secondes au cours d'un match des demi-finales de la Coupe Stanley coûte plus de 90 000$, une somme qui est encore plus élevée en finale.

M. Garneau juge que le nombre d'appels faits dans la foulée de la campagne est négligeable étant donné les millions versés en placements publicitaires.

«C'est un gaspillage de l'argent des contribuables», dénonce M. Garneau.

Les conservateurs contestent 

Le ministère des Finances rétorque que le battage publicitaire a permis de faire connaître les mesures du dernier budget aux Canadiens.

«Les évaluations postcampagne menées par le ministère des Finances ont en réalité montré que la campagne avait sensiblement accru la sensibilisation des Canadiens à l'égard des programmes économiques et de création d'emplois offerts à leur intention et à celle de leurs collectivités», a indiqué sa porte-parole dans un courriel.

Ces propos contrastent de manière saisissante avec un sondage mené en avril auprès de 2003 Canadiens, lequel a constaté que seulement trois personnes s'étaient rendues sur le site web en question.

Une ligne mince, dit un expert

La campagne publicitaire pour mousser le Plan d'action économique n'a pas généré beaucoup d'appels au gouvernement fédéral, mais ce n'était sans doute pas son objectif, croit un expert à qui nous avons montré nos chiffres.

Mark Morin, président de Stratégies marketing direct et professeur à l'Université de Montréal, juge que le coût engagé pour chaque appel reçu est «astronomique». «Mais ce n'est probablement pas le but qui était recherché, estime M. Morin. J'ai l'impression que les publicités ont été conçues pour créer de la notoriété.»

À ses yeux, l'objectif de la campagne était plutôt de faire savoir à la population que le gouvernement fédéral veille au développement économique du pays. D'ailleurs, il imagine mal un amateur de hockey prendre le téléphone en plein match des séries éliminatoires pour se renseigner sur le budget fédéral. Est-il donc éthique pour un gouvernement d'utiliser des fonds publics à cette fin? L'expert n'ose pas se prononcer: «C'est une mince ligne entre l'information à caractère public et les intérêts partisans.»

En chiffres

506 Nombre de Canadiens qui ont composé le 1 800  O-CANADA pour s'enquérir du Plan d'action économique

23% d'entre eux souhaitaient avoir des renseignements sur la subvention incitative aux apprentis

21% souhaitaient en savoir plus sur les prestations d'emploi et les mesures de soutien

14% ont demandé des renseignements sur le Programme canadien de prêts étudiants