Forte d'un jugement fraîchement rendu par la Cour fédérale qui a conclu qu'il y avait eu de la fraude lors des dernières élections, l'opposition s'est en pris au gouvernement Harper vendredi.

Jeudi, la Cour a conclu que les élections de 2011 avaient été entachées, en raison d'appels frauduleux faits à des citoyens, leur indiquant faussement que leur bureau de vote avait été déplacé, souvent très loin de chez eux. La manoeuvre en aurait découragé plus d'un d'aller voter.

Il s'agissait d'un « effort orchestré visant à supprimer des votes durant la campagne électorale de 2011 », note le juge Richard Wosley de la Cour fédérale.

Et il apparaît que ces appels auraient visé des électeurs qui avaient auparavant exprimé une préférence pour un parti d'opposition, note-t-il.

Et même si le jugement exonère le Parti conservateur et ses candidats, il a toutefois été tranché que la source la plus probable de l'information utilisée pour faire les appels frauduleux est la banque de données du Parti conservateur.

La Cour fédérale n'a toutefois pas annulé le résultat du scrutin dans les six comtés visés, comme lui avait demandé le Conseil des Canadiens qui avait entrepris le recours en justice.

Mais pour le Nouveau Parti démocratique (NPD) le plus important dans cette affaire est la conclusion de fraude électorale.

« J'espère que les Canadiens vont se rendre compte que Stephen Harper ne respecte pas la plus importante partie de nos institutions démocratiques, le droit de voter et de choisir son gouvernement », a déclaré le chef Thomas Mulcair en point de presse à Trois-Rivières.

Quant au député néo-démocrate Craig Scott, il ne croit pas qu'une personne externe au Parti ait eu accès à ces données.

« C'est bien évident que quelque part en haut, dedans le Parti conservateur, quelqu'un ou quelques-uns ont été responsables, c'est bien évident. Quelqu'un qui avait l'accès, mais qui, c'est une autre question », a-t-il déclaré.

Il croit que le Parti s'est déjà trouvé un bouc émissaire en la personne de Michael Sona - qui travaillait lors de la campagne électorale pour un candidat conservateur - et va chercher à lui faire porter tout le blâme.

Le chef libéral Justin Trudeau s'est pour sa part dit très préoccupé des conclusions du jugement.

« Le fait qu'il y avait une approche systématique à faire cela est extrêmement, extrêmement inquiétant », a-t-il déclaré à Halifax. « Le fait que c'était lié à la banque de données des conservateurs est aussi très préoccupant ».

À Ottawa, le ministre d'État aux Transports, Steven Fletcher, a qualifié la poursuite de « frivole ».

« Le Parti conservateur n'a rien fait de mal », a-t-il indiqué à sa sortie des Communes.

Quant à la conclusion du jugement sur la base de données des conservateurs, il l'a simplement rejetée.

« Ces données sont disponibles un peu partout ».

Le ministre des Ressources naturelles, Joe Oliver, a refusé de commenter le jugement, tout comme le ministre de l'Industrie, Christian Paradis.

Les conservateurs ont publié un communiqué jeudi notant que le juge de la Cour fédérale n'a pas conclu à des gestes illicites de la part du Parti, de ses candidats et de leurs équipes.

Ils ont aussi dénigré l'organisme qui a remis en question les élections.

« La révision judiciaire des élections entreprises par le Conseil des Canadiens était une tentative évidente de renverser les résultats du scrutin uniquement parce que ce groupe d'activistes ne les aimaient pas », est-il écrit.

Le groupe envisage néanmoins d'en appeler du jugement auprès de la Cour suprême du Canada.

« Soit les dirigeants seniors du Parti conservateur ont été directement impliqués dans un schéma de fraude électorale, soit qu'ils ont été incroyablement négligents en sécurisant l'accès à leur banque de données d'électeurs. Illégal ou incompétent », a déclaré par communiqué Gary Neill, le directeur général du Conseil.

Les partis d'opposition, tout comme le Conseil des Canadiens, ont demandé au gouvernement de révéler qui avait accès à cette base de données.

Les six comtés visés dans la demande d'annulation des résultats d'élection sont situés en Colombie-Britannique, au Yukon, en Saskatchewan, au Manitoba et en Ontario.

Le NPD accuse de plus le gouvernement de continuer à bloquer les tentatives de réforme de la loi électorale du Canada de façon à donner plus de pouvoirs au directeur général des élections.

Élections Canada est d'ailleurs également en train d'enquêter sur cette affaire.

Ce qui fait dire au Bloc québécois que la fin de cette saga n'a pas encore été écrite.

« Je ne pense pas que l'histoire est close suite à ce jugement-là. On ne peut pas dire que le gouvernement est blanchi de ça », a conclu le député bloquiste André Bellavance.