Le ministre des Finances, Jim Flaherty, maintient la ligne dure dans le dossier des transferts en santé, allant jusqu'à évoquer le spectre de la crise des dettes publiques en Europe.

«Les gens se rendent bien compte que ce n'est pas en consacrant un budget illimité au système de soins de santé qu'on assurera la pérennité de celui-ci. En agissant ainsi, on suivrait le chemin de la Grèce et du Portugal. On pourrait le faire pendant un moment, mais ça finirait par nous rattraper (...) avec pour conséquence d'énormes déficits», a déclaré le ministre en entrevue à La Presse Canadienne à Davos, en Suisse, où il participe à la réunion annuelle du Forum économique mondial.

Le mois dernier, le gouvernement de Stephen Harper a pris les provinces par surprise en annonçant unilatéralement que l'augmentation à six pour cent par année des transferts pour la santé, en vigueur depuis 2004, prendrait fin en 2017. Après, la hausse équivaudra à la progression du produit intérieur brut nominal, mais ne chutera pas en deçà de trois pour cent par année.

Les premiers ministres provinciaux ont réagi avec colère. La semaine dernière, ils ont mis sur pied un «groupe de travail» qui doit évaluer les impacts de la décision fédérale afin d'accroître la pression sur Ottawa.

À Davos, M. Flaherty a répété que la proposition fédérale constituait une «conclusion» et non un point de départ. Selon lui, les provinces auront amplement le temps de s'ajuster à la nouvelle donne, dans cinq ans.

«Nous ne demandons pas aux provinces de faire autre chose que ce qu'elles devraient faire, c'est-à-dire d'innover en matière de santé», a-t-il tranché, en estimant que «beaucoup de temps a été perdu», même si certaines provinces, dont le Québec, ont déjà commencé à réformer leur système.

Le premier ministre Jean Charest, qui est également présent dans la station de ski grisonne, n'a pas voulu commenter les propos du grand argentier fédéral.

«On aura l'occasion de revenir sur le sujet, s'est-il borné à dire. On a du temps. Pas trop, mais on a du temps.»

Budget

Même s'il a fait un lien entre la crise européenne et les demandes des provinces en matière de santé, Jim Flaherty soutient que le Canada «n'est pas dans le même bateau» que le Vieux continent. Aussi refuse-t-il d'accoler le mot «austérité» à son prochain budget, qui doit être déposé plus tard cet hiver, même si d'importantes compressions sont prévues.

La situation actuelle en Europe «est malheureusement la conséquence de plusieurs années de dépenses excessives», a-t-il noté, en prédisant que les citoyens des pays touchés allaient devoir s'astreindre à «souffrir» un peu pour que les choses se replacent.

Au Canada, par contre, «avec des budgets modérés, nous pourrons revenir à l'équilibre budgétaire à moyen terme, a-t-il assuré. (...) Nous avons seulement besoin d'éviter toute forme d'irresponsabilité fiscale.»

Le ministre s'attend néanmoins à ce que les compressions que contiendra le prochain budget suscitent des remous.

«Inévitablement, il y aura des récriminations, parce que pour chaque programme du gouvernement, il y a des gens qui sont particulièrement concernés, a-t-il affirmé. Alors aussitôt que vous mettez fin à un programme, des gens vont se plaindre, mais ça fait partie de la vie. Le gouvernement veut s'assurer de conserver sa situation fiscale saine, et ce, pas seulement pour les quelques années à venir, mais pour les 10 à 15 prochaines années.»

Le gouvernement fédéral a promis de ne pas couper dans les transferts aux provinces et aux particuliers. Le premier ministre Charest presse tout de même Ottawa de ne pas sabrer trop radicalement dans des programmes essentiels, ce qui pourrait contraindre les provinces à prendre le relais à leurs frais.

«Il faut que chacun assume ses responsabilités, a-t-il prévenu. On espère que le fédéral va prendre une approche mesurée.»

Au passage, Jean Charest en a profité pour vanter sa gestion des finances publiques québécoises.

«On a une longueur d'avance sur le reste du Canada, s'est-il félicité. Les décisions difficiles ont été prises dans notre budget de 2009 (...) et nous allons arriver à bon port en 2013-2014, comme prévu, avec un budget équilibré.»

Pour renflouer ses coffres au lendemain de la récession, Québec a notamment haussé la TVQ de deux points de pourcentage.

«Les Québécois vont pouvoir mesurer la conséquence d'avoir pris les décisions tôt plutôt que tard en observant ce qui va se passer dans le (prochain) budget de l'Ontario», a indiqué M. Charest.