Dix ans après les attentats terroristes du 11 septembre 2001, le Canada et les États-Unis se lancent dans la création d'un véritable périmètre de sécurité nord-américain. L'objectif est ambitieux: accélérer la libre circulation des biens et des personnes à la frontière canado-américaine, tout en repoussant au-delà du continent les menaces terroristes.

Inspection à un seul port d'entrée des marchandises destinées à l'ensemble du continent, construction de nouvelles voies aux postes douaniers, création d'une force policière intégrée pour la frontière canado-américaine, harmonisation des normes en matière d'inspection des aliments, évaluation commune du renseignement sur les menaces à la sécurité nationale; la création de ce périmètre de sécurité se fera graduellement et entraînera des économies substantielles pour les entreprises et les consommateurs des deux côtés de la frontière.

Selon certaines estimations, les obstacles à la libre circulation à la frontière qui s'accumulent depuis quelques années coûtent environ

16 milliards de dollars par année aux importateurs, aux exportateurs, aux consommateurs et aux voyageurs. L'entente permettra éventuellement de réduire ces coûts associés à la frontière, selon de hauts fonctionnaires canadiens.

Pour y arriver, toutefois, le gouvernement Harper devra investir au moins 1 milliard de dollars dans les infra-

structures et les nouvelles technologies au cours des cinq prochaines années. Les autorités américaines devront aussi faire des investissements tout aussi importants de leur côté de la frontière.

Une idée évoquée depuis 2001

L'idée de créer un tel périmètre a été évoquée quelques mois après les attentats du 11 septembre 2001, mais le Canada n'avait jamais eu, jusqu'à l'arrivée au pouvoir de Barack Obama, d'interlocuteur sérieux.

Les négociations ont été lancées en février par le président américain et le premier ministre Stephen Harper. Les équipes de négociations ont mis neuf mois à produire un plan détaillé pour désengorger la frontière canado-américaine, au grand soulagement des gens d'affaires canadiens et américains.

MM. Harper et Obama ont confirmé les grandes lignes de l'entente sans précédent conclue entre les deux pays, mercredi, à Washington.

«L'accord permet de réconcilier les préoccupations en matière de sécurité des États-Unis et du Canada avec notre intérêt qui est de garder notre frontière aussi ouverte que possible au commerce et aux voyages légitimes», a lancé le premier ministre dans son discours.

La mise en oeuvre de cet accord s'étalera sur plusieurs années puisque certaines modalités doivent encore être négociées. Aussi, les deux parties ont décidé de procéder par étapes en mettant sur pied des projets-pilotes dans certaines régions du pays et dans certains secteurs.

«Un changement d'une telle importance ne se fait pas du jour au lendemain ni même en l'espace d'un an. Il exige une planification et une évaluation prudentes», peut-on lire dans les documents d'information du ministère des Affaires étrangères.

Ainsi, des projets-pilotes seront lancés en septembre 2012 aux ports de Montréal et de Prince Rupert, en Colombie-Britannique. Dans ces deux ports, on appliquera le principe de l'inspection unique et de la double acceptation. En vertu de ce principe, les marchandises transportées par voie ferroviaire seront inspectées une seule fois, à leur arrivée au port maritime, et pourront être acheminées partout au Canada et aux États-Unis. Cette nouvelle formule sera appliquée à tout le fret arrivant à un port maritime si les résultats de ces projets pilotes sont concluants.

Des projets-pilotes seront aussi lancés dans d'autres domaines. En avril 2012, un projet-pilote d'un an donnera des avantages aux exportateurs dignes de confiance du secteur des aliments transformés.

Projet-pilote

En septembre 2012, un projet-pilote d'un an permettra de mettre à l'essai l'inspection à l'avance du fret transporté par camion dans au moins un poste frontalier.

En juin, un projet-pilote permettra le passage rapide à la frontière de camions transportant de la viande fraîche ayant déjà fait l'objet d'une inspection.

À l'été, un autre projet-pilote verra la création d'équipes intégrées de police des frontières canado-américaines. Ces équipes travailleront sur la terre ferme et s'inspireront du programme Shiprider. En vertu de ce programme, des agents désignés sont autorisés à patrouiller dans les cours d'eau séparant les deux pays et à poursuivre les personnes soupçonnées d'activités criminelles. En outre, les forces policières des deux pays travaillant près de la frontière auront éventuellement un système de radio transfrontalier interopérable qui permettra aux limiers de communiquer plus facilement entre eux.

Les programmes NEXUS et EXPRESS, qui permettent le passage rapide de voyageurs présentant un faible risque, seront également bonifiés.

Les différentes organisations représentant les gens d'affaires et les entreprises ont salué cette entente. Mais les partis de l'opposition se sont montrés inquiets des conséquences de cet accord sur la protection de la vie privée des Canadiens.