Le gouvernement fédéral a éliminé le questionnaire détaillé à participation obligatoire du recensement en accordant peu d'attention aux répercussions de sa décision, estime l'ex-grand patron de Statistique Canada.

Dans un essai publié cette semaine par le Centre d'étude des niveaux de vie, Munir Sheikh affirme que cette décision a fragilisé la neutralité et l'indépendance de Statistique Canada, en plus d'avoir mis en péril les initiatives du gouvernement fédéral dans divers domaines.

De plus, M. Sheikh exhorte les statisticiens de son ancien organisme à faire obstacle à toute intervention politique jusqu'à ce que de meilleures solutions soient trouvées.

Dans son essai, l'ex-patron de Statistique Canada fait part de certaines craintes concernant les données touchant les autochtones, informations qu'il juge de piètre qualité, plus particulièrement celles concernant le logement dans les réserves. Il s'inquiète aussi de voir le gouvernement fédéral prendre des décisions importantes sur la réforme du Régime des pensions du Canada sans disposer d'informations fiables en ce qui concerne les finances des ménages canadiens.

À son avis, l'élimination du questionnaire détaillé à participation obligatoire du recensement accentue la faiblesse d'autres données.

«Aucun pays ne peut figurer parmi les sociétés développées sans une élaboration intelligente de politiques», écrit M. Sheikh dans son essai, qui compte 28 pages. «Et une élaboration de politiques intelligente est impossible sans données fiables.»

Selon M. Sheikh, la nouvelle approche à participation volontaire privilégiée par Ottawa représente un changement quant aux méthodes employées par Statistique Canada, pratiques visant à la fois le respect de la vie privée et la collecte de données de qualité.

En juillet 2010, Munir Sheikh avait démissionné à cause de la manière dont le gouvernement Harper présentait l'affaire. Il refusait alors de se faire le porte-parole des explications fournies par Ottawa pour justifier l'élimination du questionnaire détaillé à participation obligatoire.

Les porte-parole du ministre fédéral de l'Industrie, Christian Paradis, qui est également le responsable pour Statistique Canada, n'étaient pas en mesure de commenter l'essai de M. Sheikh.

Dans son texte, M. Sheikh propose quelques pistes de solutions.

Par exemple, Statistique Canada devrait, selon lui, transférer les ressources consacrées à des activités de collecte de données moins pertinentes pour satisfaire des besoins d'actualité, même si une telle décision suscite du mécontentement.

Surtout, Munir Sheikh propose que le Parlement modifie la Loi sur la statistique pour que le caractère indépendant de Statistique Canada y soit énoncé, et pour éviter un autre cas d'ingérence politique dans la collecte de données.