Les 492 ressortissants tamouls du Sri Lanka qui sont arrivés à Vancouver à bord du cargo MV Sun Sea, en août dernier, avaient déboursé entre 20 000$ et 30 000$ chacun pour faire ce voyage de quatre mois dans des conditions difficiles.

Les passeurs pourraient donc avoir empoché entre 10 et 15 millions de dollars grâce à cette opération illégale, démontrent des documents obtenus par La Presse en vertu de la Loi sur l'accès à l'information.

«La majorité des voyageurs ont déboursé entre 20 000 et 30 000 dollars pour le voyage à bord du Sun Sea, peut-on lire dans les documents. La plupart d'entre eux soutiennent avoir fait des dépôts équivalents à un quart du prix ou la moitié du prix. La somme a été versée par des membres de la famille au Sri Lanka en vendant leur terre ou des bijoux. Les bijoux ont été vendus ou prêtés principalement à des banques. La plupart d'entre eux ont affirmé ne pas savoir comment ils vont payer le reste de la somme une fois arrivée au Canada.»

Sans le sou

Les autorités canadiennes ont aussi constaté que les ressortissants tamouls sont arrivés au Canada sans le sou: «Règle générale, la majorité d'entre eux détenaient peu d'argent - moins de l'équivalent de 30$.» Plusieurs des ressortissants ont aussi dit qu'ils ignoraient quelle serait la destination finale. Certains ont été informés qu'ils pourraient se rendre en Australie, en Nouvelle-Zélande ou au Canada.

À leur arrivée à Vancouver, ils ont dit aux autorités canadiennes qu'ils étaient des civils fuyant les violences au Sri Lanka et ont réclamé le statut de réfugié.

Ottawa veut serrer la vis

Le gouvernement Harper a déposé en octobre dernier un projet de loi visant à lutter contre les passeurs d'immigrants clandestins. Entre autres mesures, Ottawa veut faciliter les poursuites contre les passeurs, qui s'exposeraient à au moins 10 ans de prison s'ils sont reconnus coupables d'avoir fait entrer au pays plus de 50 étrangers. On veut aussi forcer les propriétaires de navire à rendre des comptes s'ils permettent à des individus d'utiliser leur bateau pour faciliter le trafic d'êtres humains.

En outre, le gouvernement Harper compte rendre obligatoire la détention des migrants illégaux pendant une période pouvant aller jusqu'à un an afin de permettre aux autorités de confirmer leur identité et d'établir s'ils représentent un risque pour la sécurité nationale.

De plus, on fera en sorte que «les personnes qui entrent illégalement au Canada grâce à des opérations de passage de clandestins ne reçoivent pas des soins de santé supérieurs à ceux offerts aux Canadiens».

Les partis de l'opposition estiment que ces mesures sont trop sévères et malavisées et exigent des changements.

Le ministre des Ressources naturelles, Christian Paradis, a qualifié de «répugnant» le prix exigé par les passeurs: «C'est vraiment choquant. C'est un problème réel et il faut s'attaquer aux trafiquants criminels. Il faut serrer la vis au maximum. C'est répugnant quand on entend des choses comme cela. Il faut envoyer un message clair aux trafiquants.» Le ministre a aussi invité les partis de l'opposition à adopter rapidement le projet de loi C-49.

Dépenses supplémentaires

Hier, le président du Conseil du Trésor, Stockwell Day, a déposé aux Communes un budget de dépenses supplémentaires qui révèle que «l'arrivée massive de migrants à bord du MV Sun Sea» a coûté jusqu'ici quelque 25 millions de dollars aux contribuables, dont 22 millions de dollars uniquement pour l'Agence des services frontaliers. La GRC a réclamé 2 millions de dollars de plus pour traiter ce dossier, tandis que la Commission de l'immigration et du statut de réfugié a exigé 900 000$ de plus pour évaluer les cas des ressortissants.

- Avec la collaboration de William Leclerc