Des employés de Profac, filiale de SNC-Lavalin chargée de gérer la vaste majorité des immeubles du gouvernement fédéral et dont les services font déjà l'objet d'une vérification comptable à Ottawa, sont visés par une enquête policière menée dans trois ministères provinciaux de l'Ontario, laquelle vise également des employés du gouvernement ontarien et d'une autre société privée.

L'existence de cette enquête policière, qui n'a encore mené à aucune accusation, a été révélée au grand jour il y a deux semaines, lors de perquisitions menées par la Section de la lutte contre l'escroquerie de la Police provinciale de l'Ontario (OPP). Hier, un extrait d'un mandat de perquisition dévoilé par le Globe and Mail a clarifié certains détails sur ce que l'OPP décrit comme une enquête sur des «transactions financières irrégulières».

«Il est allégué que des employés du gouvernement de l'Ontario, de SNC-Lavalin Profac et de CB Richard Ellis, qui jouaient un rôle dans l'attribution de contrats (généralement de nettoyage de tapis) à un fournisseur, ont accepté de ce dernier des pots-de-vin sous forme de paiements en espèces, de services personnels gratuits ou d'équipements électroniques», peut-on lire dans le document, que La Presse a obtenu.

«Dans certains cas, les factures étaient fausses puisqu'aucun travail n'avait été accompli. Dans d'autres cas, les factures étaient gonflées», a-t-on indiqué. Des employés auraient reçu des pots-de-vin à hauteur de 10% à 50% de la valeur de ces factures.

Selon le Toronto Star, la valeur totale de ces présumés pots-de-vin serait de 400 000$ et la plupart impliqueraient des fonctionnaires ontariens. Des employés de Profac et de CB Richard Ellis auraient pour leur part touché une somme d'environ 27 000$.

Il est aussi allégué que des employés du gouvernement et des deux firmes ont truqué des appels d'offres pour permettre à certains fournisseurs de remporter le contrat. Aucun des fournisseurs n'a été nommé.

«Nous avons une politique d'appels d'offres publics et cherchons des entrepreneurs qualifiés prêts à respecter les normes strictes de notre processus d'approvisionnement», a dit hier la porte-parole de SNC-Lavalin, Leslie Quinton.

«En cas de manoeuvres frauduleuses, nous n'avons aucune tolérance et prenons sur-le-champ les mesures qui s'imposent», a-t-elle également précisé.

Autre vérification à Ottawa

Cette enquête de l'OPP survient au moment où les services rendus par Profac au gouvernement fédéral font l'objet d'une vérification par la firme comptable PricewaterhouseCoopers (PWC).

Cette vérification a été ordonnée par la ministre des Travaux publics, Rona Ambrose, à la suite d'un reportage de La Presse. PWC doit remettre son premier rapport ces jours-ci au ministère des Travaux publics. Conformément aux directives du gouvernement fédéral, le document devra être approuvé par le sous-ministre avant d'être rendu public.

En mars dernier, notre enquête avait permis d'obtenir certaines factures pour des travaux réalisés dans un immeuble gouvernemental. La ministre Ambrose les avait elle-même qualifiées d'«affront aux contribuables»: l'achat et l'entretien de deux plantes vertes au coût de 2000$; l'installation d'une sonnette pour 1000$ et de six plafonniers au coût de 5000$.

Profac, aujourd'hui appelée SNC-Lavalin O&M, avait réagi en attribuant certains de ces coûts aux contraintes réglementaires en vigueur, notamment celles relatives aux heures supplémentaires des électriciens. Le PDG de SNC-Lavalin, Pierre Duhaime, avait aussi affirmé dans une lettre ouverte que La Presse avait omis des détails importants quant aux travaux réalisés.

La filiale du géant québécois du génie-conseil gère environ 320 immeubles fédéraux au Canada, dans le cadre d'un contrat accordé par appel d'offres en 2004 dont la valeur pourrait atteindre 6 milliards de dollars. Ce contrat n'est apparemment pas visé par l'enquête de l'OPP.

En avril dernier, devant le Comité permanent des opérations gouvernementales et des prévisions budgétaires de la Chambre des communes, un sous-traitant de Profac avait dénoncé le manque de transparence de la méthode d'attribution des contrats de l'entreprise.

«Je ne dis pas que c'est le cas, mais vous comprendrez que cela pourrait facilement permettre du copinage et des ristournes. En effet, tout est secret, rien n'est dévoilé, rien n'est connu», avait expliqué André Beaulieu, de la firme Consultants en bâtiments CABA.

«Je n'ai qu'à faire du copinage, être ami avec les chargés de projet de SNC-Lavalin, les inviter régulièrement à des réceptions ou dans de bons restaurants et je pourrai alors obtenir plus de contrats», avait-il ajouté.