Le projet de loi C-9 sur le budget fédéral a perdu des plumes, jeudi, lorsque les sénateurs qui l'étudient en comité l'ont tronqué de certaines sections controversées, dont celle qui concerne la privatisation d'Énergie atomique du Canada.

Plusieurs avaient justement dénoncé que le projet de loi de 900 pages, contenant les mesures pour mettre en oeuvre le dernier budget, faisait office de fourre-tout et qu'on y trouvait de nombreux sujets non budgétaires, qui n'auraient donc pas dû y être.

Les sénateurs libéraux, avec l'aide d'un sénateur indépendant - le progressiste-conservateur Lowell Murray - y ont donc mis la tronçonneuse.

Résultat: le comité sénatorial sur les Finances recommande que le projet de loi procède sans les sections sur Énergie atomique du Canada, sur certaines dispositions fiscales à effet rétroactif, sur l'abolition du monopole de Postes Canada sur les envois internationaux et sur des modifications au processus fédéral d'évaluation environnementale.

«Des sujets majeurs, très importants, qui auraient dû faire l'objet de projets de loi séparés», a insisté M. Murray.

«En fait, des 24 parties du projet de loi C-9, 14 auraient être des projets de loi autonomes», a-t-il souligné.

Les conservateurs sont majoritaires au Sénat mais si tous les libéraux et les indépendants faisaient front commun, ils pourraient faire en sorte que ces quatre sections soient abandonnées.

Un résultat peu probable puisque le Sénat a refusé il y a quelques semaines de scinder cette même mesure en cinq projets de lois distincts, ce qui aurait accompli le même objectif.

Les conservateurs avaient eu gain de cause car il n'y avait pas eu suffisamment de sénateurs libéraux au Sénat pour faire adopter cette façon de procéder.

«J'étais très déçu que seulement 39 sénateurs libéraux étaient présents pour le vote ce jour-là», a rappelé le sénateur Lowell.

Selon le leader de l'opposition au Sénat, le libéral James Cowan, les choses pourraient se dérouler différemment cette fois-ci.

«C'était avant que l'on entende toute la preuve, les 61 heures d'audiences, les 122 témoins», explique-t-il en référence au vote précédent, ajoutant que les libéraux vont s'assurer cette fois-ci d'avoir autant de sénateurs que possible présents pour le vote.

Mais avant même qu'il n'ait lieu, les conservateurs brandissent déjà la menace d'élections si le Sénat n'adopte pas C-9 tel quel.

Le sénateur Doug Finley, directeur de campagne national des conservateurs, espère que les ses collègues de la Chambre haute se soumettront à la volonté des élus de la Chambre des communes qui ont déjà approuvé le projet de loi.

Mais si cela n'est pas le cas, il a affirmé que les conservateurs sont prêts pour des élections. «Les autobus, les avions, les trains, l'argent, le quartier général. Tout est prêt», a déclaré M. Finley.

Une menace qui est loin d'ébranler M. Cowan.

«Si le Sénat amende ou rejette le projet de loi, il n'y aura pas de vote de confiance envers le gouvernement. Le projet retournera à la Chambre des communes», a-t-il expliqué, signalant que c'est au niveau des députés qu'il peut y avoir une telle question de confiance.

Selon lui, la position du comité envoie un message clair au gouvernement conservateur qu'il ne peut pas faire tout ce qu'il veut, dont inclure dans un projet de loi sur le budget des choses qui n'y sont pas reliées.

Et qui n'y sont que parce que le gouvernement sait pertinemment qu'il ne pourrait pas faire adopter ces projets de loi autrement, font valoir les libéraux. «Ils savent que s'ils présentent un projet de loi sur Énergie atomique du Canada qui contient ces mêmes clauses, ou un projet de loi sur les évaluations environnementales, ils savent qu'ils n'ont vraiment aucune chance de les faire adopter par le Parlement», a affirmé le sénateur Cowan.

Les sénateurs dans leur ensemble devront maintenant décider si le projet de loi sera amputé ou non. Le vote aura vraisemblablement lieu lundi. Mais les conservateurs pourraient insister pour que le vote porte sur le projet dans son intégralité.

Si un changement quelconque est apporté à C-9, le projet de loi devra retourner à la Chambre des communes, qui s'est pourtant déjà prononcé à ce sujet, et qui peut ensuite le renvoyer dans son intégralité au Sénat.

Une démarche du comité des finances qui aura ainsi été inutile?

M. Lowell estime que non. Il espère que les efforts des sénateurs pour dénoncer l'abus du Parlement fait par les conservateurs qui incluent n'importe quoi dans leur projet de loi budgétaire auront un impact sur les députés qui voteront une deuxième fois.

«S'ils avaient fait leur travail correctement, ils auraient déjà divisé le projet de loi», a-t-il laissé tomber.