Une dirigeante du Groupe Everest, Diane Deslauriers, aurait payé en 1997 une chirurgie plastique à la femme de Chuck Guité, l'ancien haut fonctionnaire responsable du programme de commandites, dans l'espoir d'obtenir plus de contrats du gouvernement fédéral.

C'est du moins ce que dit la Gendarmerie royale du Canada dans un mandat de perquisition visant à obtenir le dossier médical complet de Lucile Chatel Guité à la Clinique de chirurgie esthétique Charbonneau Delorme.

Des allégations explosives

Le journaliste Daniel Leblanc, du quotidien The Globe and Mail, a obtenu ce mandat de perquisition, qui contient des allégations explosives et jamais révélées jusqu'ici. Ces allégations n'ont toutefois pas été prouvées devant les tribunaux.

Les enquêteurs de la GRC affectés au projet Carnegie soutiennent que Diane Deslauriers s'occupait des contrats de commandite au Groupe Everest, que dirigeait à l'époque son mari, Claude Boulay. Groupe Everest a depuis été vendu à Draftworldwide Canada.

La GRC soutient aussi, à la lumière de nombreux témoignages d'anciens employés de Groupe Everest, que Mme Deslauriers a offert à Chuck Guité et à sa femme de nombreux «pots-de-vin», notamment des voyages, des manteaux Kanuk, une cave à vin et aussi une chirurgie plastique.

Pots-de-vin

Cette manoeuvre, toujours selon la GRC, visait à s'assurer que M. Guité accorde le plus grand nombre possible de contrats à Groupe Everest dans le cadre du programme de commandites.

«Les cadeaux à Lucile Chatel de la part de Diane Deslauriers étaient offerts dans le but d'entretenir la relation d'affaires entre le Groupe Everest et le gouvernement fédéral, et non parce que Diane Deslauriers était une amie de Lucile Chatel Guité. Les pots-de-vin étaient faits dans le but de favoriser l'octroi de contrats au Groupe Everest», soutient la GRC.

Selon d'anciens employés, dont Sophie Lavoie, qui était l'adjointe de Diane Deslauriers, cette dernière aurait même conduit la femme de Chuck Guité à la clinique et serait allée la chercher après l'opération, le 25 avril 1997. La clinique en question est celle-là même où la fondatrice de Cinar, Micheline Charest, avait subi une opération de chirurgie esthétique qui lui a été fatale en avril 2004.

La GRC a obtenu la liste des communications téléphoniques entre Diane Deslauriers et Chuck Guité le jour de l'opération de sa femme. Les enquêteurs ont aussi mis la main sur une série de chèques à l'ordre de Lucile Chatel Guité totalisant 32 600 $, émis par Groupe Everest ou Caliméro Partenariat, une entreprise appartenant à Diane Deslauriers.

Les policiers ont obtenu des copies de ces chèques après une perquisition dans les locaux de Draftworldwide Canada le 1er juin 2006.

Les policiers de la GRC ont terminé leur enquête dans ce dossier et ont remis leurs conclusions au directeur des poursuites criminelles et pénales du Québec à Montréal.

«Bien que le dossier fut ouvert en 2003, l'enquête sur Groupe Everest a débuté au mois d'avril 2005. Jusqu'à présent, cette enquête a permis de relier Groupe Everest à des fraudes totalisant 1 030 286 $. Le nombre total de chefs d'accusation suggérés s'élève à 73, dont 24 visant la personne de Diane Deslauriers», affirme la GRC dans son mandat.

Madame nie tout

Jointe par La Presse en Caroline du Nord, Mme Deslauriers a nié avec véhémence les allégations de la GRC. «Je ne sais pas d'où cela sort. Je n'en ai aucune idée.» Elle a toutefois reconnu avoir déjà rencontré la femme de Chuck Guité.

Chuck Guité, qui a été reconnu coupable de cinq accusations de fraude totalisant 2 millions de dollars et a été condamné à une peine de 42 mois de prison, a aussi nié ces allégations. «Ce qui a été fait, ma femme a payé pour cela», a dit M. Guité, qui est en libération conditionnelle depuis le mois de février 2009 après avoir purgé un sixième de sa peine.

Le programme de commandites avait été mis sur pied par le gouvernement Chrétien dans les années 90 afin d'augmenter la visibilité du fédéral au Québec, dans la foulée de la mince victoire du Non au référendum de 1995.

Entre 1997 et 2003, Ottawa a dépensé quelque 250 millions de dollars dans le cadre de ce programme, dont 100 millions ont été versés en frais de production et en commission à des agences de communication proches du Parti libéral. Groupe Everest avait obtenu quelque 55 millions de cette somme. Le gouvernement fédéral a intenté une poursuite de plusieurs millions de dollars contre certaines agences, dont Groupe Everest. Claude Boulay et Groupe Everest ont conclu une entente à l'amiable de 1 million dollars avec Ottawa en 2007.

- Avec William Leclerc